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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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reproches et cris haineux devaient concerner Briatexte : il avait privé ces hommes d’un plaisir trop attendu ; mais d’autres se ralliaient à lui. Bouteculé par Ramonnet, Thierry chancela tandis que Leignes disparaissait dans la mêlée. On s’affrontait à coups de bancs et de couteaux. Jouant des poings et des pieds, Raymond corrigeait deux jouvenceaux. Une escabelle vola au-dessus de leurs têtes.
    Ogier vit Ramonnet devant lui. Une lame à la main. D’un saut, il évita le coup et dégaina son poignard.
    « Il veut se revancher de mon insulte et doit bénir cette échauffourée-là ! »
    Il baignait dans sa sueur. Tout se confondait en lui : l’indignation, la stupéfaction et la joie de pouvoir saigner Ramonnet, puisque le sergent lui en fournissait l’occasion.
    Il recula, esquiva. Un homme cria : « Elle vit ! » Un autre : «  Chez Sirvin ! » Il vit deux ombres enjamber une fenêtre : Denis et Marcaillou, sans doute. On se battait partout. Saladin aboyait devant la cheminée où s’effrayait Perrine.
    « Face à moi, le plus vicieux des malandrins ! »
    — Ramonnet ! Tu me fournis l’occasion de t’envoyer ad patres !
    —  Tu connais mon nom !… Donne-moi le tien !
    — Quand tu mourras !
    Ogier ne sut s’il parvenait à rire : sa gorge douloureuse avait un goût de fiel. Sa dextre tremblait tant il crispait ses doigts sur son arme : une lame de Gratot, un présent de son père. Son épée lui battait la jambe et le gênait. Devant lui, cette face funèbre ravagée d’une grimace moqueuse. « Il est sûr de me vaincre… Il est habile, mais moi aussi ! » Incroyable qu’untençon [319] de cette espèce l’eût amené à affronter ce porc !
    Autour d’eux, le remuement s’aggravait. N’en rien savoir.
    Par deux fois, la lame adverse scintilla ; d’un mouvement d’épaule, puis de hanche, Ogier évita les coups. Reculant, il heurta une table et la contourna ; la renversa, poussant ainsi Ramonnet vers l’escalier.
    Près des barils, Jeannette épiait les participants de l’échauffourée. Nullement apeurée : elle avait vu des mêlées de ce genre.
    Ramonnet, le dos aux marches. Forcé de monter. Une, deux, trois… Ogier faillit être atteint au visage… Quatre… S’il poussait son coup, il atteignait le sergent au genou. Il avait mieux à faire… Six, sept, huit… Ramonnet se hâtait.
    Saisissant la rampe, Ogier feignit de reculer. Ramonnet continua son ascension pour lui interdire l’accès du palier. Ce faisant, il heurta un tabouret et trébucha.
    Ogier bondit. L’acier adverse étincela dans la pénombre et déchira la manche de son pourpoint.
    — Tu ne riras plus longtemps, Ramonnet ! Ce n’est qu’une égratignure.
    La paume et les doigts suants, autour du poignard. Qu’il ne glisse pas !
    Nouveau scintillement. Parer tant bien que mal.
    « Mon épée me gêne et cogne mon genou… Ma hanche heurte les chanceaux qui me protègent du vide… Se dégager… À mon tour !… Manqué… Encore ce banc… Il le contourne et me l’envoie dans les jambes… s’adosse à une porte… et le voilà qui plonge ! »
    Ogier riposta et atteignit profondément l’épaule.
    « Seigneur, menez ma main ! » Bruit floconneux des haleines oppressées. « Comment pourfendre ce mécréant ? »
    Il souffrait d’un point douloureux dans son ventre.
    Un carcan sur son cou. Quant à Ramonnet, dans l’ombre de son chapeau de fer, son visage devenait pierreux : lui, si prodigue du sang d’autrui, sentait enfin sur sa peau les coulures du sien.
    — Aaaahhh !
    D’un coup de pied sur des genoux du sicaire, Ogier arrêta cet assaut et ce hurlement, tout en rétablissant la distance. Ouf ! Cœur de plomb, souffle effréné. Il avait senti déferler sur lui, en ondes forcenées, une énergie si maléficieuse qu’il en restait éplapourdi.
    Ne voir que ce pouce d’acier pointu… mortel…
    Fascinés l’un par l’autre, ils demeuraient immobiles, suffocants, l’œil brouillé de haine et le front gluant.
    Un spasme avertit Ogier du danger ; il recula, trébucha sur le tabouret. Ramonnet bondit, vainement.
    — Tu vas mourir, suppôt de Blainville…
    Passer le poignard de la main dextre à la senestre.
    — Tu ne pourras fuir ni gauchir [320] .
    Le couteau adverse étincela, et comme le sergent se trouvait emporté par son élan, l’arme de Gratot, jaillissant de la hanche, décrivit un quart de cercle et atteignit le ventre

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