Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
Coiffé d’une barbute à calotte pointue, un sergent souleva le broc posé devant lui. Il acheva d’un hoquet bruyant sa lichée puis, le poing menaçant :
    — Ôte-nous tout, la fille… hip !… sans plus barguigner.
    — Il a raison ! s’écria son voisin, dressé sur la première marche de l’escalier, sans souci de mécontenter ses compagnons auxquels il éclipsait la vue. Tout ça, c’est des façons de noble dame !
    — Connart ! protesta près de l’âtre un jeunet. Laissez-la faire !
    Le voile bleu tomba ; dessous, l’autre était vert.
    Ogier vit que Raoul et Ramonnet chuchotaient avec animation. Il fut distrait par Apolline : en lui prenant la main, la guenon lui montrait sa maîtresse qui, d’un tour de rein et d’un balancement d’épaule, se dégageait du quatrième voile.
    — Holà ! dit Thierry. Elle paraît bien pressée… Il est vrai que ces hurons et manants deviennent menaçants !
    Même les six, paisibles, quittaient leur table.
    Tandis que la flûte exhalait un soupir, Apolline bondit et ramassa le voile.
    — Ce tissu-là est gris, commenta Briatexte. C’est de l’yraigne d’Ypres ou de Gand ! Pas plus épais qu’une fumée…
    Ogier sentit sous la face barbue du Breton, en deçà d’une admiration réelle, une appétence aiguë, furibonde. Quant à lui, son impatience était d’une autre espèce :
    « Ils vont se jeter en avant… Faut-il nous mettre debout ?… Il y a deux sergents, leur épée au côté… Des poignards aux ceintures… Nous aurions dû nous méfier : Briatexte était trop content de nous offrir à boire… Il s’ébaudit de nous sentir à sa merci. Nous aurions dû demeurer auprès d’Adelis. »
    Il fut soudain soucieux pour elle. Pourquoi tardait-elle tant à les rejoindre ?
    Une main, puis une autre effleurèrent Hérodiade. Un jouvenceau essaya de saisir ses cheveux.
    — Hâte-toi donc, ribaude ! hurla-t-il.
    Clin d’œil de Thierry. Nul doute : il s’inquiétait. Craignait-il que la sensualité puissante, exacerbée, de tous ces hommes, craquât soudain au détriment de la danseuse. Elle avait allumé un brasier autour d’elle.
    — Assis ! hurla un des manants de l’escalier.
    Nul ne bougea.
    « Ils sont comme des loups autour d’une proie. Le grand brun remue son couteau dans sa gaine… Le brèche-dent aussi… Les six sont côte à côte. Ce sont… des maçons : ils ont des croûtes de mortier sur leur jaque et leurs chausses !… Une main accroche le voile… il s’ouvre par le devant… Et la voilà qui cache sa poitrine… »
    — Bas les pattes… hip ! exigea le sergent au hoquet. Tu les montres… hip ! tes tétines… ou faut-y que j’me dérange ?
    Une huée unanime condamna la menace incongrue du perturbateur.
    Le charme se dissolvait. Ogier vit Ramonnet se joindre au brèche-dent. Le malandrin se mordillait les lèvres tandis qu’un trouble pire qu’un maléfice venait de s’emparer de Raoul de Leignes : accoudé, la tête entre ses paumes, ses yeux, sous la pression de ses mains énormes, semblaient prêts à s’exorbiter.
    — On dirait une veuve ! ricana Briatexte en faisant vibrer le couteau, devant lui. Du noir !… Même léger, il fallait y penser…
    — Elle a les seins à l’air, et ma foi, ils sont hip !… ben jolis !
    Quelques mains, en vain, se tendirent. Un des occupants de l’escalier s’avança, entraînant les autres. Raymond sortit de sa contemplation.
    « Ils sont presque tous devant nous… Des loups ? Non : une compagnie prête à l’assaut quand cessera la bacchanale. Thierry frotte à nouveau ses mains. D’inquiétude ou de plaisir ?… Je ne puis dégainer mon épée à cause du mur et de la table ! »
    Ogier caressa la prise de Confiance, Briatexte surprit son geste et sourcilla.
    Le luth frémit et se tut ; la flûte eut un soupir et le voile tomba. Le dernier était gris : une brume de soie.
    — Il l’offusque encore trop, bon Dieu ! Je ne la vois pas toute !
    Ogier sourit de la mauvaise foi de Briatexte. La nudité moirait les trames transparentes. Les cuisses, les hanches, les mollets – lumières de chair –, le ventre enténébré jouaient dans les courbures et les ombres des plis.
    — Il y a tant d’hommes, devant, dit Thierry, que la singesse n’ose bouger pour s’acquitter de sa tâche !
    Silence. Les maçons, manants, hurons sergents et l’hôtelier groupés en demi-cercle demeuraient immobiles, attentifs, certains

Weitere Kostenlose Bücher