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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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pouvait que cette familiarité dans la chasteté, entre elle et lui, leur eût depuis toujours paru absurde, du fait même qu’Adelis n’avait rien d’une pucelle et rien à lui refuser. Il n’était point tenté de se justifier. Que faisait-elle ? Voilà qu’il s’exaspérait de l’avoir abandonnée à la suite d’un boiteux qu’il avait pris pour Godefroy d’Harcourt !
    — Kergœt a parlé, dit-il afin d’abréger un silence chargé de l’angoisse et du mécontentement de Raymond.
    Baissant la voix, il fournit les détails qu’il connaissait sur le lieu et le jour où Blainville rencontrerait une première fois ses complices.
    — Quand nous aurons trouvé la maison du chévecier, il ne nous restera qu’à pouvoir y entrer… Nous y parviendrons !
    — C’était bien la peine d’envoyer Adelis je ne sais où !
    Raymond encore ! Ogier soupira et fut heureux de découvrir une diversion à son mésaise.
    — Tiens, dit-il, voyez donc ces deux-là ! Ils prennent l’Âne d’Or pour une moinerie !
    Deux clercs traversaient la cour. Il en reconnut un : le plus petit et le plus gros. Il l’avait croisé dans Chauvigny. L’autre était maigre, pâle, morne comme un inquisiteur. Ils allaient côte à côte, à se toucher, boursouflant leur robe à grands coups de jarrets et de genoux, observant soigneusement autour d’eux, tels des larrons au cours d’une action sacrilège.
    — J’ai idée, dit Thierry, que ces deux compères vont se rafraîchir le gosier.
    — Jadis déjà, il lui en coûtait moins de lever le coude que de faire un signe de croix !
    — Qui donc, messire ?
    — Le ventru… Voyez : le fumier ne compte pas ; il en patouille le bord et ne voit que les volailles dont ce pailleux est envahi. Je suis sûr qu’il les imagine rôties, à portée de son écuelle.
    — Vous le connaissez ?
    — Je crois le reconnaître et me demande comment et quand il est venu à Chauvigny. Je pensais que pour lui un moutier ceint de hauts murs constituerait le plus sûr refuge… Attendez-moi.
    Ogier pressa le pas à la rencontre des clercs. Écartant les bras et leur interdisant le passage, il s’écria, l’air soulagé :
    — Moines, Dieu vous envoie !
    Le maigre, au nez crochu, pinça les lèvres, prenant ainsi l’aspect d’un vautour. L’autre béa, allongeant ainsi un visage tout en bosses : nez, bouche gloutonne, menton double, prunelles bleues, encaissées sous d’épaisses paupières.
    — Que voulez-vous ? dit-il, la voix pâteuse.
    « Si c’est Isambert, je le saurai sous peu ! »
    Ogier entraîna les religieux devant le corps de Ramonnet :
    — C’est à cause de ça.
    Le gros clerc tressaillit et recula ; ses cernes bouffis et violacés frémirent. Aucun doute : c’était Isambert, l’ancien chapelain de Gratot.
    — Vous le connaissiez bien, mon père ?
    Les yeux chassieux s’étaient clos. Pour dissimuler quoi ? Le regret, le soulagement ou la peur ?
    — Mon père, c’est Ramonnet… Vous ne vous signez pas ?
    Le clerc croisa les bras ; sa moue exprima non seulement le dégoût, mais aussi le refus d’intercéder pour cette âme :
    — Il avait l’esprit noir, mon fils. Malheur à ceux qu’un mauvais sort jetait entre ses mains.
    — J’y suis tombé, mon père, il y a longtemps. Et s’il est en l’état présent, c’est qu’il m’a agressé… Cette fois, j’ai pu me défendre.
    Le moine hocha la tête ; il n’y comprenait rien.
    Comme son compagnon le suppléait pour le signe de croix :
    — Pierre de la Garnière, chapelain de…
    — Et vous, frère Isambert.
    — Vous connaissez mon nom !
    — Je vous connais. Vous me connaissez. Nous avons bien changé l’un et l’autre.
    La stupeur du clerc devint frayeur. Ses yeux se dilatèrent : « Il me dévisage. Il me sonde… Il cherche ! Il cherche ! » Le clerc renonça :
    — Qui êtes-vous, mon fils ?
    — Peu importe présentement… Dites-moi… Quelle est à Chauvigny la nature de votre charge ?
    — Je… je suis le sacristain de l’église Saint-Pierre.
    — Depuis quand ?
    — Deux années maintenant. Mais pourquoi ?
    Attrapant le moine gémissant par le bras, Ogier l’entraîna hors de la cour, suivi de près par Saladin.
    — Laissez votre confrère en compagnie de mes gens, messire sacristain ! Je ne vous retiendrai guère.
    Ogier lâcha le biceps aussi mou que le courage de cet homme pour empoigner la croix, sur le ventre rebondi, et

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