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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Kergœt frémirent. Il eut un gémissement âpre, révélant ainsi une douleur mêlée de rage ; puis le mal s’atténua ; les mots vinrent :
    — … tout près du château d’Harcourt… en montant, à dextre… face à l’église Saint-Pierre… maisons des dignitaires du chapitre… chanoines de…
    — Parle ! Parle !
    La peur éperonnait Ogier. Savoir ! Quelle éprouvante épreuve encore que celle-ci ! Sentir la vérité si proche. À portée de bouche. « Qu’il se hâte ! » Supplier :
    — Je t’implore, Jaquelin !… Parle !
    Ogier se sentait des larmes plein les yeux. Kergœt fit un effort ; sa voix s’affermit :
    — … maison… du chantre et celle du chévecier [326] … J’y suis allé… les connais… Un conduit… derrière… jambage de la cheminée… pour que l’air… pénètre dans le souterrain, juste au-dessous… Son entrée, sur la colline… près du donjon d’Harcourt… Aucun autre qu’ eux ne pourra y… accéder… Tu vois : pour savoir, tu n’auras… nul besoin de descendre : leurs voix monteront jusqu’à toi.
    — Quand vont-ils s’assembler ?
    « La mort l’étreint. Encore quelques mots !… Qu’il se hâte ! »
    Le front seul maintenant semblait vivre. La voix de Kergœt se réduisit à un souffle :
    — Dimanche à la mi-nuit… et sans doute lundi… sous la maison du chévecier.
    — Qui en sera ? Qui, outre Blainville et Harcourt que j’ai cru entrevoir ?
    Battements de paupières, la bouche ouverte en grand ; un râle :
    — Raoul de Cahors.
    — Je ne le connais que de nom.
    — Guy de Passac.
    L’homme qu’admirait Tancrède, toutefois moins que Blanche, son épouse.
    — Qui d’autre ?
    Le Breton ferma ses paupières ; sa tête remua comme s’il l’enfouissait dans quelque chose d’immatériel et de soyeux. Puis sa bouche trembla :
    — Prends Artus… mon armure… Gloriande… Sache que je…
    Bleu paradis ? Ténèbres rougeoyantes ? Peu importait où s’engageait cette âme : Kergœt eut un frémissement, ses bras se détendirent et sa tête pencha sur le sac.
    Ogier se signa et se releva :
    — Thierry !… Raymond !
    La porte s’ouvrit sur une salle moins dévastée qu’il ne le pensait. Quelques bancs renversés, des escabelles rompues, des brocs, pichets, écuelles éparpillés en miettes sur les dalles. Tandis que Perrine balayait, le tenancier tournait les brochées. Jeannette avait disparu ; Leignes également. Sur une table, le luth – entier – voisinait avec la flûte brisée. Dans la cour, certains manants riaient autour de l’abreuvoir où ils rafraîchissaient leurs plaies et gourmades.
    — Il se peut que celui qui s’ébaudit le plus ait tué Enguerrand.
    — Vous n’allez pas le plaindre, tout de même ! Il était malfaisant…
    — Je sais, Raymond… Non : laisse ce couteau dans son dos… Quittons ce cellier…
    — Votre bras saigne. Avez-vous mal ?
    — À peine… Pauvre chevalier !… Nous héritons de ses armes et d’Artus… C’est sa dernière volonté.
    — Comment s’appelait-il ? Vous l’a-t-il dit ?
    — Jaquelin de Kergœt.
    Et comme, après deux exclamations, Ogier s’attendait à des questions :
    — Taisez-vous. Je vous raconterai quand nous serons seuls.
    Interpellant l’hôtelier mécontent de n’avoir pu entendre, bien qu’il eût abandonné la cheminée :
    — Approche encore, tavernier !… Tu as là-bas, en haut des marches, un sergent déconfit… Il m’a assailli, je me suis défendu… Quant au barbu que j’abandonne en ton cellier, il a été frappé par traîtrise pendant que je m’occupais du sergent.
    Les yeux du gros homme tombèrent sur les éperons dorés. Un sourire contraint révéla des mâchoires dégarnies :
    — Je n’ai rien vu… Tout ce que je sais, c’est qu’il faut quérir le guet… Il convient que vous demeuriez céans, messire chevalier, pour dire à Talebast – ou à un autre – comment cette échauffourée s’est passée… De plus, ce sergent que vous avez occis…
    — Il m’a menacé… Pour témoins, tous les hommes que je vois dans cette cour suffiront.
    Rajustant son épée à sa taille, insensible aux lamentations exagérées du tavernier, Ogier entraîna ses compagnons. Se retournant sur le seuil, il aperçut Jeannette, livide, devant la porte de la cuisine, et si profondément troublée qu’elle ne vit pas Saladin passer, un morceau de lard dans la gueule.
    — Cette femme

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