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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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accommoder.
    — Le champ clos vous convient ? demanda le baron.
    — Oui, messire. J’essaierai d’y agir au mieux… à la grâce de Dieu. Il en va de ces jeux-là comme des autres : les mérites et l’habileté sont insuffisants sans l’appui de la bonne chance.
    Guy de Morthemer laissa tomber ses bras hors des accoudoirs et maugréa :
    — Je resterai céans. Je ne puis tout de même aller à Chauvigny en litière ! On s’ébaudirait !… Mais, Fenouillet, je sens que vous ferez de belles appertises… Savez-vous que le mois dernier, l’évêque Fort d’Aux, que j’avais convié à ma table, s’est déterminé à faire en sorte que notre nièce soit la reine de ces journées de liesse… Nous ne savons rien… n’est-ce pas, m’amie ?
    — Non, rien, dit la baronne. Si elle est élue, nous le saurons demain… Alix d’Harcourt la trouve avenante… et son époux également… Mais ils ne sont pas seuls à décider du choix…
    La dame soupira. Il semblait qu’elle se livrait à un combat héroïque en elle-même, avec alternative de triomphes et de revers. Et ce combat ne concernait point sa nièce. Elle reprit, après une nouvelle insufflation :
    — Le comte d’Alençon et surtout messire Blainville nous ont promis leur aide.
    Isabelle caressait une levrette assoupie. Elle semblait sourde à ces propos.
    — Blainville, reprit le baron, sera un jouteur redoutable !… Et Guesclin… Ma nièce m’a dit qu’il était présent.
    « Tiens… » songea Ogier tandis que le baron continuait :
    — Il y aura Raoul de Cahors [333] .
    Ce nom-là, Kergœt l’avait prononcé.
    — Qui est-il, messire ?
    — Tout ce que j’en sais, c’est qu’il vient de Guérande… Il y aura également – il est arrivé – Godemar du Fay, un prud’homme. Il est chevalier, sire de Bouthion, gouverneur du Tournaisis, capitaine général des villes des marches de Flandre et de Hainaut…
    — Il y aura Jourdain de Loubert, sénéchal du Poitou, dit la baronne.
    Tandis qu’Ogier se demandait si elle avait rejoint ce chevalier au lit, Guy de Morthemer grommela :
    — Celui-là !… Ne pense qu’à son escarcelle. Je l’ai accompagné à Tournai, en 40, quand ça allait fort mal pour nos bannières. Nous étions avec le comte d’Eu… Il n’a jamais pensé qu’à ses indemnités !
    — Qui encore, messire ?
    — Leignes m’a fourni d’autres noms qu’il tient de Talebast. Je sais qu’on attend Jean IV d’Harcourt… Pourquoi sourcillez-vous ?
    — C’est le frère de dame Alix… Que sait-on du Boiteux, leur puîné ?
    — Rien… Il est en Angleterre… Laissez-moi vous dire, Fenouillet, que vous trouverez devant vous des Poitevins moult vaillants et d’une grande apperteté [334] .
    — Qui dois-je craindre, messire ?
    — Gauvain Chenin, notre voisin du bourg de Morthemer. Il est chevalier, seigneur de Lussac… Il y aura Hugues de Fressinet, qui tient Fressinay, un fief relevant de la baronnie d’Harcourt. Il y aura Guillaume d’Allemaigne, capitaine du château de l’évêque et sire de l’Épinoux… Le malheureux Talebast vient d’être supplanté par cet homme dans l’affection de Fort d’Aux… Il devra se contenter de veiller autour de la lice…
    Ogier redoutait une présence importune.
    — Et messire Arnaud de Cervole ?
    — Il n’est jamais venu. Nous en avons ouï parler sans le voir jamais.
    Isabelle sourit, moqueuse ou pacifiée :
    — Vous en semblez soulagé, messire ? Est-il votre ennemi ? Elle ne le défiait point : Ogier se montra courtois :
    — Je n’ai vu qu’une fois celui qu’on nomme l’Archiprêtre… Et tenez, damoiselle, ce jour-là, Kergœt était à mon côté, mais je le connaissais sous le nom de Briatexte… Allons, n’ayez plus cet air contristé. Sauf Blainville, je crois ne connaître aucun des champions que vous verrez en lice… Mais Blainville !
    Il s’approcha de la jouvencelle et, baissant la voix :
    — J’aimerais le bouter hors de selle et le réduire quelques jours à l’impuissance… en attendant mieux.
    Isabelle serra les mâchoires au point que ses joues blêmirent. Ses yeux flambaient. Ce visage durci exprimait la détestation. Mais envers qui ? Lui, Ogier, ou l’homme lige de Philippe VI ? À moins qu’il ne s’agît des deux ensemble.
    Le baron bâilla bruyamment :
    — Cet homme est un démon ! Il conviendrait qu’il morde la poussière.
    — Je m’y emploierai, messire.
    Ogier

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