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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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vit apparaître Champartel, soucieux, puis Raymond, toujours outrageusement affligé. Les rejoignant en hâte, il les admonesta :
    — Vous deviez rester près des chevaux !
    — On a faim. On a cru que vous mangiez. Saladin veille à l’écurie…
    — Moi aussi, j’ai faim, Raymond, mais nous mangerons du pain sec en signe de pénitence.
    Tourné vers ses hôtes, Ogier les pria de ne se faire aucun souci et leur souhaita la bonne nuit. Sa retraite brusquée les surprit et parut consterner la baronne. Peut-être, dans la chambre d’en haut, se serait-elle montrée ardente…
    Parvenu au milieu de la cour, Ogier s’arrêta :
    — Isabelle est native de Ploërmel. Elle connaissait Kergœt et ne vit à Morthemer que depuis six mois. Je jurerais qu’elle est du parti de Montfort.
    — Alors, dit Thierry, ce que Guesclin racontait sous les arbres… Raymond eut un rire bas, méprisant :
    — Je vous avais bien dit que je l’avais vue à Hennebont… Toi, Thierry, tu t’es moqué comme toujours ; vous, messire, vous avez dodiné de la tête… Seule Adelis m’avait cru… La pauvre !
    Ogier soutint le regard du sergent : « Ce rioteux [335] m’en veut !… Ne peut-il pas comprendre que ma détresse est grande ?… Plus grande que la sienne ! » Il se remit à marcher et fut heureux de ne voir aucune ombre aux abords de l’écurie. Leignes, s’il avait voulu nuire à leurs chevaux, eût été privé du temps nécessaire. D’ailleurs, Saladin l’en aurait empêché.
    Çà et là, dans les ténèbres, une croupe brillait. La paille, sous la tendre clarté de la lune, prenait des luisances d’argent.
    — Les gars, nous dormirons ici… Raymond, sors la miche. Ce soir, c’est le pain sec, mais nous avons du vin. Demain, nous mangerons mieux… Et aussi vrai, Thierry, que je me nomme Ogier, le mauvais sort nous abandonnera !
    Cette menterie s’adressait à deux incrédules. Si elle égayait le plus jeune, elle désobligeait l’autre dont le cœur saignait toujours. Mieux valait, en cette nuit de deuil, se résigner au silence et abdiquer toute autorité.
    — Mangeons tout de même, les gars… Thierry, fais le signe de croix sur la miche… Je vais dire le benedicite.
    —  Ça sert à rien… grommela Raymond.
    Sans doute avait-il raison. Si jamais, depuis Gratot, Dieu les avait pris sous Sa garde, il semblait qu’il les eût abandonnés en les privant d’Adelis.
    — Soit, dit Thierry, résigné, pas de benedicite.
    Ce renoncement renforça la détermination d’Ogier. Il décida de ne pas se laisser dominer par sa peine et de combattre, au moyen d’une sorte d’indifférence, l’espèce d’ivresse lugubre de Raymond.
    « Il semble un veuf qui n’aurait pas encore connu l’amour ! »
    Son sergent avait-il espéré qu’un jour, par simple bonté d’âme, Adelis lui appartiendrait ?
    « Non ! Il n’est pas ainsi… Et moi, comment suis-je ? Ai-je espéré qu’elle me céderait une fois encore ? »
    Eh bien, oui. Il n’avait cessé de souhaiter cette étreinte. Et s’il avait aimé Adelis d’une étrange façon, le sentiment qu’il éprouvait à son égard n’avait cessé d’être noble.
    Sa gorge se noua. Il eût voulu être seul et pleurer. Mêler ses larmes à l’amertume de n’avoir point révélé à cette malheureuse jusqu’à quel degré d’affection il avait engagé son désir de la sauver. Jamais Raymond ne saurait combien cette disparition le marquait, combien son cœur saignait, combien des pleurs qu’il n’osait verser montaient du fond ignoré de son être.
    « Ressaisis-toi ! Conduis-toi… »
    En homme ou en chevalier ?… Comme si les larmes n’étaient pas dévolues à l’un et à l’autre !
    — Soyons forts et unis, mes compères. Il nous faut restaurer l’honneur de mon père et le mien. Elle nous a quittés ? Ne m’abandonnez pas.
    C’était un gémissement. L’exigence et l’humilité s’y mêlaient. Seule la volonté de réussir son entreprise devait diriger ses actions prochaines. Devant le brutal témoignage d’une male chance qui affectait si terriblement Raymond, il ne pouvait renoncer à cet évangile de fraternité dans lequel sa pensée n’avait cessé de se sentir à l’aise et qu’il avait prêché à ses compères avec une foi sans défaillance.
    — Il me faut vaincre l’adversité. Sans vous, je n’y parviendrai pas.
    Or, quel visage ou quels visages avait-elle ?
    — On fera pour le mieux, dit

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