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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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l’accompagnait. À son retour, il a trouvé son châtelet en ruine. Tous les siens, sauf son frère puîné, avaient péri sous les épées d’un troupeau de routiers venant de la forêt de Paimpont. Nul n’a jamais su qui a perpétré ces forfaits… De ce jour-là, le bon Kergœt est devenu cruel. Isabelle a dû le rencontrer quelquefois. Il faut vous dire qu’elle est native de Ploërmel et qu’elle vit définitivement à Morthemer depuis six mois… Nous l’avons recueillie à la mort de sa mère, la sœur puînée de mon épouse.
    Devançant sa tante non moins agacée qu’elle, Isabelle murmura quelques mots à l’oreille du baron. Sans doute l’invitait-elle à se taire ; puis, affrontant l’ingrat qui dédaignait ses couleurs et sans doute ses avances :
    — C’est vrai, j’ai parfois rencontré Kergœt. Avec moi, il était avenant… Voilà pourquoi je suis toute desbaretée [331] .
    Elle semblait paisible – ou résignée. À quoi pensait-elle ? Tout près, la baronne écoutait, épiait ; un sourire amincissait sa bouche. Son époux, accoudé, le torse en arrière, se pencha presque brutalement :
    — Que venait-il donc faire en Poitou ?
    — Jouter, tournoyer… sous un nom d’emprunt, cela va sans dire !
    Isabelle avait répondu vivement ; Ogier regretta de ne pouvoir sonder ses pensées.
    — On le disait en Angleterre… Mais on dit tant de jengles et de lobes [332] … C’est vraiment mourir bêtement !… Allons, ma nièce, ne prends pas ce visage éploré !
    « Si cette fille aimait quelque peu Kergœt, songea Ogier, sa fureur, à présent, devrait s’exercer contre Leignes… La voilà qui me montre son dos… Pourquoi n’ose-t-elle plus me regarder ? »
    Il s’approcha de la cheminée ; Isabelle s’en éloigna et se réfugia dans l’ombre.
    —  Il s’était fait appeler Briatexte.
    Ogier s’étonna que la baronne lui eût, tout en parlant, jeté un regard implorant. Guy II serra les poings posés de chant sur ses accoudoirs :
    — Les chevaliers déchus, m’amie, n’ont guère d’autre recours que le nom d’emprunt pour vivre la tête haute. Ils doivent en souffrir s’ils sont vertueux… Mais n’aviez-vous point hâte d’aller au lit avant le retour de nos hôtes ? Votre migraine vous tourmente-t-elle encore ?
    Cette inquiétude exprimée débonnairement, le baron redevint maussade. Avait-il surpris le coup d’œil de sa femme ? Connaissait-il ses errances nocturnes dès lors qu’il accueillait un visiteur ? Sitôt après ces vaines questions, un second malaise accabla Ogier : « Il ne peut se douter que j’ai changé de nom. Pourtant, il a mis le doigt sur la plaie. » Il s’efforça de soutenir le regard de cet homme diminué mais capable, si on l’y juchait, de demeurer en selle. Et soudain, ce qu’il redoutait le plus se produisit :
    — Mais, Fenouillet, reprenait le baron après un sursaut de tout le corps, où est donc votre sœur ?
    D’une voix altérée, Ogier rapporta ce qu’il avait convenu avec son écuyer, sans que Raymond leur eût fourni son accord :
    — Nous avons rencontré un de mes oncles, de passage à Chauvigny. Comme il s’en revenait en Langue d’Oc, Adelis l’a suivi… Elle trouvait qu’il pleut trop en Poitou.
    — Même s’il n’est pas chevalier, votre oncle aurait dû demeurer jusqu’à lundi soir !… Les joutes et le tournoi sont toujours admirables.
    Ogier trouva qu’on avait assez parolé. Pour tout. C’était aussi l’avis de la dame de Morthemer. Elle venait de lui lancer une œillade éloquente. Elle pourrait monter, elle trouverait chambre vide. Et tandis qu’Isabelle s’appuyait d’une fesse sur l’accoudoir de la cathèdre où le baron semblait succomber au sommeil, il se dit qu’elle était sans grâce, redoutable, ambitieuse. Kergœt avait traversé sa vie. Comme quoi  ? Avaient-ils été amants ?
    — Avez-vous soupé en chemin ? demanda la baronne.
    Ogier mentit en répondant par l’affirmative ; mais quoi : s’il eût pu demeurer jusqu’à l’aube devant l’âtre, en la seule compagnie de Guy de Morthemer, il était incapable de rester plus longtemps à proximité de cette femme dont l’affabilité dissimulait une hardiesse si étrange et impénitente. Son enfant, elle se le ferait faire par un autre ! Quant à l’intérêt qu’Isabelle lui portait, chargé de fiel, de colère et peut-être également de remords, il ne pouvait s’en

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