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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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souillé, anéanti par de pompeux malandrins de France en robes, pourpoints et hauberts propres, parmi lesquels, tout proche de Blainville, officiait le frère du Roi d’armes.
    — Bien sûr, messires… à la Cour. Je me rends à l’évidence.
    Cette réponse embarrassée satisfit les juges. Aimable, le gros Augustin demanda :
    — Contre qui voulez-vous courir des lances ? Notre Roi d’armes est retenu… Vous pensez : ce connétable et ce vicomte venus d’Aiguillon !… Ah ! là, là, ces deux-là mettent à mal nos procédures…
    D’un froncement de sourcils, le juge Amaury désapprouva cette observation sans malice, mais se garda du moindre reproche.
    — Il me faut visiter toute cette montre, dit Ogier. À Pierregord, d’où je viens, les challenges se font autour de la lice, dès avant les joutes…
    — Vous êtes en Poitou, interrompit messire Amaury. Faites au mieux sans barguigner !
    La sécheresse de cette injonction aggrava le malaise d’Ogier. Suivi de Champartel, inquiet, et du commis aux écritures, flanqué des juges, il pénétra dans cette cohue d’hommes aux odeurs fortes. Il tremblait. Il devait se méfier : Olivier de Fontenay pouvait, lui aussi, appartenir à Blainville.
    « Il suffit qu’Isambert trahisse sa parole pour que je tombe au pouvoir de ces malfaisants… J’aurais dû lui faire prêter serment sur son crucifix ! »
    Il était trop tard, désormais, pour entamer différemment une entreprise endeuillée par la mort d’Adelis, avant même qu’elle eût commencé. Demain, il en jurait sa foi, lui, Argouges, pourrait au moins épancher sa fureur dans des conditions licites : la lance au poing.
    Il aperçut une targe :
    « De gueules à un taureau d’argent armé, encorné et onglé d’azur. Il est là ! »
    Dessous, surmontant un heaume cylindrique, un gros bourdon aux ailes scintillantes, au corselet ceint de fils dorés, aux pattes énormes… et tout proche, dans ses mailles ombreuses, bras croisés, béat comme un pécheur au sortir de confesse : Lerga.
    Trois pas. Ogier fut devant le Navarrais.
    — Messire, je n’ai pas quelques poils de pelisse à vous jeter au visage [392] . Il me paraît inutile de vous demander raison d’un acte tout frais, dans les formes les plus courtoises…
    L’émoi lui coupant le souffle, il dut faire une pause et reprit :
    — Vous vous souvenez, j’espère, d’avoir agressé une pucelle en venant ici ?
    — Ne perds pas ta salive, compère ! Je m’en souviens. Elle était si belle !
    — Conduite de truand et non de chevalier.
    — Et ton intervention pour m’en séparer, compère ?… Conduite de trou-du-cul !
    Repoussant l’outrageux dont la voix, sous la colère, blésait désagréablement, Ogier obtint suffisamment d’espace :
    — Tiens, et c’est grand dommage que ce ne soit pas dans ta hure !
    Son poing frappa si fort le taureau d’argent du bouclier qu’il en éprouva une douleur brève – et bienfaisante.
    — Oh là, là ! ricana le juge Augustin, c’est la vingt-sixième calange à laquelle j’assiste depuis l’ouverture… Inscrivez, Bérenger, afin que nous en gardions souvenance, bien que, telle qu’elle fut accomplie, nous ne puissions l’oublier. Pas vrai ?
    Le juge Amaury hocha sa tête pâle. Il semblait las, souffrant. La plume d’oie du scribe au visage maigre gratta le parchemin. Ce petit bruit de souris grignotante révéla aussitôt à Ogier l’épaisseur du silence dont il était entouré. Saisis d’ébahissement, les témoins de cette scène s’étaient tus après quelques murmures. Des curieux s’approchaient, interrogeaient du regard leurs voisins.
    — Messire… murmura Thierry.
    « Il veut que je me contienne. Il sait pourtant qu’il me fallait défier ce démon. Surtout à cause de Gerbold… Mais ça, Lerga ne peut en avoir connaissance ! »
    Dans leur dos, les deux compères devinèrent la male rage du Navarrais qui se félicitait du proche affrontement et regrettait :
    — Dommage qu’il y ait un rochet au bout de chaque lance. J’aurais préféré de l’acier bien aigu !
    Ogier, brusquement retourné, reçut dans ses yeux le feu des prunelles adverses – un feu noir qu’il feignit d’ignorer :
    — À demain, messire. Dieu m’aidant, je vous bouterai hors de selle… et vous n’aurez aucun regret, quand votre cervelle… bourdonnera, que je l’aie buquée avec un rochet !
    Il y eut des rires. Les quelque vingt hommes

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