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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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voudrais pas lui être opposé ! » Imaginez…
    Ogier imagina tandis que Guînes baissait la voix pour conclure :
    — Or, en vérité, le duc n’atteindrait pas une vache à dix toises [390]  !
    Il y eut des rires. Le plus bruyant fut celui d’André de Chauvigny. Aussitôt, pour cet irrespect manifeste à l’égard du fils du roi, Ogier fut tenté de voir en cet homme un allié de Blainville.
    — Ne sachant que faire pour briser les Goddons, continua Tancarville, le duc nous envoie au palais avec six cranequiniers [391] . Comme je connais bien le chemin de Paris, j’ai proposé à mon compère : « Faisons un petit détour par Chauvigny pour être des joutes et du tournoi de Pâques. » Deux jours perdus, c’est peu pour un siège aussi long !
    On s’ébaudit. Le juge Augustin réapparut et s’inclina gravement devant Ogier : il désavouait l’impéritie et la gaieté des messagers ; ils étaient d’un rang trop élevé, cependant, pour qu’il osât réprouver leur conduite et récuser, puisqu’ils arrivaient hors des délais, leur présence en champ clos.
    — Venez, messire Fenouillet… Approchez, Champartel… Je vais vous montrer vos places…
    Marchant en sens inverse, un homme les bouscula.
    — Ah ! Godemar, s’écria Tancarville. Heureux de vous voir…
    — Moi de même, messire chambellan. Nous allons bien nous égayer !
    — Godemar du Fay, dit le juge Augustin à l’oreille d’Ogier. Tous sont heureux…
    — La guerre menace une grosse portion du pays de France et ils s’ébaudissent.
    — Moins fort, Fenouillet !
    Sinuant parmi les prud’hommes dont certains se provoquaient, ils parvinrent sous une voûte obscure. En ce lieu, les couleurs les plus éclatantes semblaient tristes, ternies.
    — Les meilleures places échoient aux seigneurs de renommée… commença le gros juge sur un ton d’excuse.
    Deux heaumes avaient été posés sur une planche, l’un surmonté d’une paire de cornes de taurillon, l’autre d’une tête de cygne noir. Au-dessus, deux écus, l’un de sinople frappé d’un taureau d’or, l’autre d’argent, chevronné d’azur.
    — Posez vos bassinets à côté. Accrochez vos écus à cette latte.
    Le gros homme haussa la voix :
    — Amaury !
    Le juge maladif agita un bras au-dessus des têtes, puis accourut. Il tenait une liasse de parchemins et précédait un jouvenceau porteur d’une écritoire maintenue sur son ventre à la façon d’un éventaire.
    — Qui sont-ils, messire ? demanda-t-il.
    — Fenouillet et Champartel, dit Ogier.
    Son bâton blanc coincé sous son aisselle, le juge Amaury consulta ses liasses et tendit une feuille au tabellion :
    — Ils sont là, cochez-les.
    Dans l’ombre, ses yeux de nyctalope cillaient avec une compassion qu’il exprima soudain quand il eut toisé les deux compagnons et tenté, vainement peut-être, d’évaluer leur nature.
    — Avez-vous l’intention de challenger quelques chevaliers, messires, ou participerez-vous aux commençailles, desquelles sortiront les meilleurs, qui seront opposés aux champions reconnus, tels que…
    — J’ai, interrompit Ogier, deux ou trois adversaires à trouver.
    Le juge Augustin sourcilla ; son compère s’inclina :
    — En ce cas, messire, nous en prendrons mention.
    — Mais, Amaury, objecta le gros juge, notre Roi d’armes, Fontenay…
    À ce nom, Ogier tressaillit : « L’un de ceux qui ont détruit mon père s’appelait ainsi ! » Il demanda :
    — Michel de Fontenay, messires ?
    — Nenni, répondit le juge Augustin. Olivier.
    — Pourquoi Michel  ? s’enquit le juge Amaury, donnant soudain libre cours à sa rudesse foncière.
    Ravalant sa déception et sa haine, Ogier parvint à sourire :
    — J’ai vu, il y a longtemps, un Michel de Fontenay. Il ne ressemblait guère à votre Roi d’armes…
    — Michel est le frère aîné d’Olivier, dit le juge Amaury.
    — Ah ! bon, fit Ogier.
    Les juges l’examinaient intensément ; ils n’eussent pas mieux considéré une arbalète chargée ou un animal redoutable.
    — Michel est à la Cour, précisa le juge Augustin.
    « Blainville a dû l’y placer », en déduisit Ogier.
    — Allons, dit le juge Amaury, d’humeur tout à coup débonnaire, c’est sûrement à la Cour que vous avez vu Michel. Il y est depuis cinq ans.
    À la Cour, oui ! Celle du château de la Broye avec, titubant en son milieu, un preux non seulement victime des Goddons, mais honni,

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