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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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avait au-dessus du sourire placide d’un saint, des yeux d’une malignité de ribaud. Il poignait son bâton pastoral comme un chasseur son épieu, et quand, cessant d’en considérer les volutes dorées, il s’inclinait vers dame Alix, son regard devenait des plus concupiscents et sa bouche épaisse remuait comme s’il suçait une friandise. Ogier se dit que cet homme si brillant devait avoir une âme blafarde ; il entraîna Champartel vers le Roi d’armes et sa suite.
    — Soyez prudent, messire !
    — Trop de prudence me nuirait, Thierry. Laisse-moi faire !
    Les ayant aperçus, le juge Augustin marcha à leur rencontre. Cramoisi, les yeux scintillants, le sourire béant sur des gencives pâles et des dents en créneaux, il serrait dans sa dextre gantée de basane grise, la verge blanche inséparable de ses attributions. Sa robe rouge à parements noirs, ouverte sur un pourpoint de soie safran, se gonflait sur sa ceinture comme s’il dissimulait une demi-citrouille. Un chaperon noir à plumail de cygne le coiffait de travers. À son côté pendait une bourse de cuir.
    — Ah ! vous voilà, vous deux ! dit-il aimablement.
    Touchant le poing vermeil sommant le bassinet d’Ogier, il s’étonna :
    — Du bois !… Bien, bien… Je vais m’occuper de vous. Patience !
    — Patience ! grommela Thierry tandis que le juge disparaissait.
    On les regardait, on les heurtait de l’épaule ou du coude ; ils prirent pour refuge une arcade libre par laquelle on accédait à un jardinet. Ogier tendit l’oreille car le Roi d’armes, ébahi et ennuyé, questionnait le juge Amaury :
    — Et vous dites qu’ils viennent d’arriver ?
    — Oui, messire. Ils sont partis lundi d’Aiguillon et n’attendent que votre consentement pour béhourder.
    Le nom d’Aiguillon ne fit qu’accroître la curiosité d’Ogier. Écoutant distraitement Thierry parler du beau temps qui rendait le sol dur aux chutes, il se pencha. Le juge Amaury s’animait :
    — Eh oui, d’Aiguillon !… Gauthier de Masny le défend bien. Ses piétons et surtout ses archers sont les plus ruins [386] qu’on puisse trouver en Guyenne et en Angleterre. C’est pourquoi, pour renforcer son ost et vaincre les Goddons, le duc Jean a dépêché auprès de son père le comte de Guînes et le chambellan de Tancarville… Ah ! tenez : les voilà [387]  !
    Deux hommes s’avançaient, souriants. Leurs tabards étaient propres, leurs mailles luisantes. Ces guerriers, apparemment, avaient peu combattu. André de Chauvigny s’approcha du Roi d’armes :
    — Ils sont les bienvenus… Il faut les agréer.
    — Messire ! Ils n’ont ni heaumes ni cimiers, leurs chevaux sont hodés [388] …
    D’un geste de sa main de fer, le baron repoussa cette objection :
    — Nous leur en trouverons… Parlez-moi d’Aiguillon, messires !
    Le chambellan était gros, hâlé, barbu, mais chauve. Guînes, roux et sanguin, glabre, avenant, semblait sous la sujétion de son vieux compagnon ; il l’invita d’ailleurs à parler, ce que Tancarville fit avec un plaisir évident :
    — Aiguillon se défend bien, messires, à croire que la ville est pleine de diables et diablesses… Nous avons construit un pont sur le Lot pour prendre un des châtelets grâce auquel, ensuite, nous aurions vaincu ces malandrins ; mais ils ont envoyé trois nefs contre nous, coulé nos barques, occis nos garçons [389]  ! Le duc Jean a fait amener huit gros engins de Toulouse ; ils n’ont à ce jour servi à rien, bien qu’ils aient craché sans trêve et détruit çà et là des murs… Ces démons de Goddons, en rusant, se sont emparés d’un troupeau et l’ont fait entrer dans l’enceinte !… Les voilà garantis contre la malefaim… Ah ! là là, nous avons grande déconvenue de cette opposition. Des renforts sont venus de Cahors et d’Agen, nos chalands sont partis à l’assaut… En vain !
    — Et que fait le duc Jean ? demanda le Roi d’armes.
    Les deux messagers se concertèrent. Ogier prit plaisir à les regarder se débattre avec leur conscience, bien qu’elle lui parût d’une petitesse extrême : ils s’accordaient à Chauvigny une halte inadmissible. Guînes, enfin, se décida :
    — Notre duc organise des jeux pour passer le temps. Ainsi, nous jetons nos chaperons en l’air et il décoche dessus moult flèches et carreaux. Et nous nous récrions : « Monseigneur a bien trait !
    — Sainte Marie, comme il trait roide ! – Ah je ne

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