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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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malpropre et, le restituant comme s’il avait chu par mégarde :
    — Messire, avant de courir des lances contre mon écuyer, il vous faudra vous opposer à moi… car il ne peut rien sans mon assentiment. Si vous me dominez, je vous l’abandonnerai pour un ou deux galops, en souhaitant, bien sûr, qu’il me venge !
    Il tremblait. Il n’avait pu éviter cet assaut. Ce serait déplaisant d’affronter ce… cette créature. Il vit la bouche du Roi d’armes se plisser d’ironie. Envers qui ? Et les regards, les murmures autour d’eux, dont l’onctueux la Cerda semblait se délecter, l’incommodaient tout autant que Thierry.
    « Pourquoi ce putassier n’est-il pas à Aiguillon avec son Jean ? »
    Le gros juge Augustin se grattait la poitrine et le juge Amaury, la hanche. Charles d’Espagne consulta Olivier de Fontenay du regard, puis :
    — Messire, ce béhourd est-il recevable ?
    Avant le Roi d’armes, les deux assesseurs approuvèrent – le juge Augustin si vigoureusement que son chaperon en bougea. Il était comblé. Il n’eut rien à dire au tabellion : déjà celui-ci consignait l’affrontement.
    — Moi également, insista Champartel.
    Et, le regard dans celui de Charles d’Espagne :
    — Je serai donc votre homme, messire, après mon chevalier.
    Sans raillerie, sans doute, il avait appuyé sur le possessif, de sorte que la fureur et la déception réapparurent sur le visage de ce dépravé dont tous les seigneurs présents savaient les amours déshonnêtes. Son visage de vieille pucelle devenu soudain gris, mou et ruisselant comme un mortier gorgé d’eau, s’éclaira lorsqu’il aperçut un damoiseau brun et pâle, le buste enveloppé dans un pourpoint mi-parti noir, mi-parti pourpre.
    — Deux d’un coup, Robert ! s’écria-t-il. Et vous ?
    — Aucun, messire. Je participerai aux commençailles, mais vous le savez, Charles, c’est le tournoi qui me plaît… Messire André vient de me prendre parmi les appelants… Nous serons donc ensemble !
    Ogier suspendit son examen, car une ombre apparaissait ; une voix lourde, fière, demandait : « Que se passe-t-il ? » et le Roi d’armes, ployé, servile, répondait :
    — Rien, seigneur comte. Fenouillet, ici présent, défiait messire Charles.
    — Nullement ! corrigea le juge Augustin. C’est le contraire, Olivier. Le contraire.
    Alençon ! Somptueux et fier, tel qu’on décrivait aussi le roi, son frère. Nul ne le défierait, lui. Il apparaîtrait à la joute l’un des derniers, face aux meilleurs restant en lice, et s’il fournissait des courses défectueuses, il alléguerait et obtiendrait des excuses.
    — Fenouillet ! insista la Cerda. Tu le reconnais, Charles… Il était à Morthemer… et contrevient aux lois de la Chevalerie : au lieu de soie, son écuyer porte du velours !
    Ogier excipa de sa bonne foi :
    — Nous sommes pauvres, messire. En selle et fer-vêtus, nous serons plus à l’aise… Quant à vouloir un des prix de ces joutes, nous y pensons moins par orgueil que pour remédier à ce dénuement que vous trouvez déplaisant. C’est d’ailleurs la raison de notre venue, car vous connaissez le dicton : À désirer cheval d’or, on obtient toujours la bride.
    Il mentait si péniblement qu’il baignait dans sa sueur. La foule, l’irritation… Que faire ? On chuchotait, on commentait l’apparition du comte ; on s’attendait à ce qu’il dît quelques mots ; le juge Amaury haussait les sourcils ; le juge Augustin souriait ; Olivier de Fontenay – face ronde et aigre, yeux globuleux, bouche lippue – attendait.
    — Et avec moi, Fenouillet, aimeriez-vous courir des lances ?
    Ogier se sentit acculé au danger : tout autant que le roi son frère, Alençon avait l’expérience, le courage et l’endurance en petite estime : ils lui portaient ombrage. Il sourit à cet homme qui prenait un air dominateur pour lui signifier, sans doute, qu’il n’était qu’un huron :
    — Nenni, monseigneur. Vous êtes bien trop grand pour un hobereau de mon espèce !
    Content de lui et se méprenant sur cette évidence à l’opposé d’une louange implicite, Alençon passa son bras sous celui de Charles d’Espagne, et sans plus s’attarder, l’entraîna dans sa visite.
    — Est-ce tout ? demanda Olivier de Fontenay.
    — Messire, j’aimerais bien ; mais quelqu’un m’attend ou me cherche…
    Le Roi d’armes, les juges et le tabellion se frayèrent un chemin parmi un groupe

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