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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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ouvrit les yeux et haussa les sourcils : le ton froid et décidé de ce damoiseau impertinent et miséricordieux, auquel il devait la vie, le surprenait et l’irritait. Son front se mouilla – rage ou souffrance – ; il l’essuya d’un revers de main :
    — Soit.
    — Procédons maintenant, messire… J’y tiens !
    Godefroy d’Argouges ouvrit la porte de la chambre et Saladin entra.
    — Il y a de l’encre et des parchemins à côté. Je vais te les chercher, mon fils, avec de quoi sceller ce document.
    Ogier laissa Jean de Montfort à ses pensées. Lentement, après avoir caressé son chien, il alla s’accouder à la fenêtre. Les nuages couraient vers le Ponant ; le vent ridait l’eau de la douve où la lune trempait des quenouillées d’argent. Au-delà s’étendaient des lieues de terres fertiles. « Se peut-il qu’un jour les Goddons les foulent et les grièvent ? » Non, s’il parvenait à nuire aux conjurés de Chauvigny.
    Poussant la porte du pied, Godefroy d’Argouges réapparut.
    — Voilà, dit-il.
    Posant sur le lit l’écritoire, il en tira un parchemin de petite taille. Ogier l’aida à asseoir le blessé contre son oreiller.
    — Allez-y, messire, dit-il en trempant une plume de canard dans l’encrier.
    — Toi alors ! soupira Montfort.
    Il y avait de l’estime dans sa résignation et son sourire. Il regarda les flammes proches de son visage, gouttes d’or presque immobiles et plus aiguës que des poignards, puis redevint soucieux tout en écrivant et lisant :
    —  Nous Jean, duc de Bretagne, comte de Montfort. Vous, Philippe VI, roi de France, salut. Sachez que nous vivons malgré moult périls encourus…
    Le Breton releva un instant son visage. De nouveau, il était grave, livide : après un répit, ses souffrances, l’amertume aidant, recommençaient.
    — Il ne faut pas, dit-il, que Philippe sache où j’ai dressé ce document… Bon : Savoir faisons à vous et confessons que vos malheurs passés, présents et à venir sont, dus en partie à votre homme lige, Richard de Blainville, lequel est, plus qu’à vous, à Édouard III d’Angleterre… depuis 1338, à ce qu’il nous a dit, et cela par le fait de dons qu’il perçoit chez un Lombard de notre connaissance établi en Normandie… Blainville est capable de tout. C’est assavoir faire occire ses amis afin de vous prouver qu’il vous est dévoué ; faire perdre aux Lys de France une bataille comme celle de l’Écluse…
    Montfort se tourna vers Godefroy d’Argouges :
    — Je ne mets rien de plus, car il soupçonnerait quelque accointance et il faut que ce parchemin soit comme une confession tombée en votre possession… et moult choses mauvaises qu’il vous reste à découvrir, car il ne nous appartient pas de vous les révéler, sauf celle-ci, qui nous semble d’importance : c’est grâce à lui que nous avons fui cette geôle où vous nous aviez si perfidement fait jeter… Et fier de cette révélation, nous y mettons notre sceau, le quinzième jour de septembre, l’an de grâce mil trois cent quarante-cinq, après avoir échappé à une embûche tendue par le susdit Blainville après que nous avons refusé d’acquitter à haut prix la liberté qu’il nous avait fournie.
    Le paraphe fit grincer la plume ; Montfort repoussa l’écritoire :
    — Cela vous suffit-il ?
    — Cela me paraît bon, dit Godefroy d’Argouges.
    Ogier ouvrit le coffre et en tira la bague et son cordonnet :
    — Nous vous l’avions ôtée pour soigner votre épaule.
    Godefroy d’Argouges avait ouvert le plumier pour en extraire un bâtonnet de cire. Bientôt, tel un sang épais, des gouttes rouges tombèrent sur le parchemin que Montfort scella en grognant. Ogier s’en saisit avant son père : c’était à lui de tirer profit de ce document.
    — Demain vous partirez si vos forces sont bonnes.
    — Pas demain : cette nuit.
    Ogier trouva que c’était folie, mais à la place de cet homme éprouvé, son exigence eût été la même. Le Breton demanda qui l’accompagnerait.
    — Il faut, dit Godefroy d’Argouges, des gars libres d’épouse.
    — Courteille et Desfeux.
    — Ils sont bien jeunes, Ogier.
    — Donc, ils sont endurants… Père, à peine arrivé, je ne puis quitter Gratot pour les hourder [179] . Thierry restera près de moi, mais Raymond, s’il est tenté, pourrait se joindre à vos soudoyers.
    — Et Bressolles ? Cet homme-là me plaît…
    — Il n’est pas

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