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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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bataillard.
    — Alors, Jourden… et Asselin s’il veut en être : il est vieux, sans famille…
    — Pas un de plus, Père. Une fois à Rennes, ces deux-là tourneront bride et nous reviendront.
    Et à l’intention du blessé :
    — Demain à l’aube, vous serez loin !
    Un sourire trembla sur le visage éprouvé :
    — Vous faites de votre mieux, j’ai fait de même. Puisse Dieu nous aider selon nos mérites !
    — Présentement, dit Godefroy d’Argouges, il nous faut compter davantage sur nous que sur Lui… Sortir de ces murs est aisé, s’en éloigner l’est moins : ils peuvent, surtout ce soir, être partout…
    — Père, pour réduire les périls, il nous faut agencer notre affaire en trois parçons [180] . Vous, messire Montfort, et moi passerons par le souterrain. Du cimetière où il aboutit, nous gagnerons les champs voisins et nous abriterons derrière quelque levée du Hommet. Pendant ce temps, Thierry, Raymond, Courteille, Desfeux, Jourden, Lesaunier et Asselin, les uns à cheval, les autres à pied, sortiront par le pont-levis. Sitôt à l’extrémité de la jetée, chacun d’eux prendra une voie différente afin, s’il s’en trouve, d’abuser les espies, mais tous se réuniront au plus tôt derrière l’église de Saint-Malo… Lesaunier, Asselin et Jourden s’en iront trouver Lecaudey pour obtenir une carriole – contre une escarcelle pleine – et pendant qu’ils attelleront, les autres viendront chercher messire Montfort, et l’un d’eux le prendra en croupe pour l’emmener à Saint-Malo…
    — Ensuite ?
    — Tout me paraît simple, Père. Il faut gagner la mer. Le sable de la bande [181] étouffera le bruit des sabots et la mer noiera les traces. Guidant l’un après l’autre le limonier, nos gars iront par Heugueville, éviteront Coutances et gagneront Avranches par Gavray et la Haye-Pesnel… Ensuite, messire Jean de Montfort doit connaître les plus sûrs chemins jusqu’à Rennes, d’où Jourden et Asselin repartiront vers nous. Godefroy d’Argouges hocha la tête :
    — Tout cela me paraît fiable… Souhaitons qu’aucun grain de sable du rivage ou de la terre ne vienne contrarier ces desseins. Pas vrai, messire ?
    Le père et le fils se tournèrent vers Jean de Montfort. Mais il ne pouvait leur répondre : il dormait, les yeux mi-clos, les mains jointes.
     
    *
     
    Nuit noire ; la lune y trempait son hostie. Quelques coassements et les hululements d’une effraie à la chasse animèrent le silence touffu où le vent lança une rafale. La haie derrière laquelle Ogier, son père, Montfort et Saladin s’abritaient, vibra de toutes ses feuilles et branchettes.
    — Rien, dit Godefroy d’Argouges. Les suppôts de Blainville, monseigneur, ont dû renoncer à vous retrouver.
    — Il se peut… Méfiez-vous tout de même à l’entour de Gratot.
    — Nous connaîtrons un jour la raison de cette bonace… Après tout, malgré les chevaux que nous leur avons repris, rien ne prouve que c’est nous qui avons occis Blérancourt et ses herlos [182] .
    Ogier considéra la forme grise allongée dans les herbes, proche de Saladin, attentif.
    « C’est étrange, il ne nous a guère entretenus de son épouse dont la vaillance a fait l’admiration de ses pires ennemis… Il s’est montré plus discret encore sur son écuyer… Quel homme ! »
    — Êtes-vous bien, messire.
    — Oui, dit Montfort, et je rends grâce à votre Adelis. Elle m’a tant serré l’épaule et le flanc dans des linges que je m’y sens aussi à l’aise qu’une chair à saucisse dans son boyau !… J’ajoute que je souffre à peine.
    Montfort semblait insoucieux des périls possibles, et tout en l’observant, Ogier tâta sous son pourpoint le parchemin plié dans un sac de peau de daim, et suspendu à son cou. Jamais il ne s’en séparerait, sauf le jour où il le tendrait au roi en disant : « Sire, voici la preuve écrite de la félonie de Blainville. Celui-ci ne peut la réfuter !… Prenez-en connaissance ou bien qu’on vous la lise. » Brusquement, Saladin se leva, huma le vent et grogna.
    — On vient, dit Godefroy d’Argouges.
    Un clapotement mou, régulier, se faisait entendre.
    — Ce sont eux, Père…
    Quatre formes émergèrent des ténèbres : Thierry précédant Raymond, Courteille et Desfeux.
    — Tout se passe bien, dit l’écuyer. Mais il faut se hâter, le jour bientôt poindra…
    Sa voix tremblait, révélant la crainte et l’impatience.

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