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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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celle des juges.
    D’un haussement d’épaule après lequel il grimaça, Montfort repoussa l’objection :
    — Les juges, Argouges, se fient aux pièces, rebattements et figures des écus et bannières davantage qu’aux têtes de ceux qui les portent ! Quel que soit leur savoir, comment pourraient-ils connaître tous les participants de ces liesses s’ils sont une centaine… et ils seront plus du double à Chauvigny !… Et dois-je te dire à toi, compère, que certains tournoyeurs, pour des raisons dont nous n’avons que faire, s’évertuent à n’être pas reconnus ?… Outre ceux qui arborent des armoiries d’emprunt et s’enferment sous leurs mailles et leur heaume aussi souvent que possible, le pays compte quelques chevaliers aventureux auxquels, par coutume, on ne demande rien si ce n’est de manier habilement la lance et l’épée pour réjouir les dames et damoiselles… L’espèce d’ombre en laquelle ils se confinent et la crainte qu’ils inspirent assurent à ceux-là le respect dans les lices… Hors d’icelles, nul n’est trop enclin à savoir d’où ils viennent, où ils vont et quel est leur visage… La foule étant ce qu’elle est, à la déférence succède l’indifférence : il y a tant de champions à voir sinon à admirer !… Pas vrai ?
    Godefroy d’Argouges acquiesça. Ogier ne dit mot, attendant la suite. Montfort reprit son souffle et poursuivit :
    — C’est pourquoi sous les tentes, dans les hôtelleries et les tavernes, parmi la presse et le bruit… ou loin de l’agitation, dans quelque châtelet de bonne renommée, tout peut se préparer.
    Brusquement le blessé se roidit ; ses yeux profondément enchâssés dans leurs orbites devinrent fixes, haineux, sans qu’Ogier pût deviner en quelle direction s’exerçait cette haine.
    — Puisque tous les traîtres – comme tu le dis, mon gars – ne peuvent aller en Angleterre, il a été convenu d’une unique rencontre à Chauvigny. Chacun s’y rendra à sa convenance et sous l’accoutrement de son choix afin de décider de la manière dont sera porté le plus rude des coups à Philippe… Toutes les idées seront comparées ; la meilleure sera retenue et ce sera la séparation avant l’assaut. Cela ne vaut-il pas une charretée d’or ?
    Ogier resta coi. Fallait-il que ce Breton eût été déçu pour révéler ainsi les desseins d’Édouard et de ses alliés ! À moins que, sentant la mort toute proche, il ne voulût apaiser sa conscience et, par ces révélations, entrer sereinement dans la paix du Seigneur. Peu importaient d’ailleurs les raisons de cette longue confidence, l’essentiel était de savoir.
    —  Messire comte, cela me paraît… irréel… Y a-t-il tant de perfides gens dans le royaume ?
    — Chaque fois que Philippe a fait trancher une tête, il s’est fait dix ennemis. Chaque fois que le Charlot en a fait autant, il en est né, chez nous, bien davantage… Tous ces malheureux attendent la vengeance… Et c’est Édouard qui la leur fournira !
    — Combien de conjurés se rejoindront à Chauvigny ?
    — Je ne sais… Il suffit qu’ils soient une douzaine. Ils choisiront le jour le plus favorable et l’endroit le plus propice où débarquer. Ils décideront des cités à maîtriser vélocement… C’est à Richard de Blainville – parce qu’il ne peut quitter le royaume – que revient l’idée de Chauvigny, approuvée vivement par Godefroy d’Harcourt, qui peut-être la lui a soufflée.
    Ogier vit son père, accoudé à la fenêtre, sursauter :
    — Le diable emporte Harcourt ! Je le croyais apaisé !… Comme il est en Angleterre et que Blainville demeure en ce royaume, à une lieue parfois d’où nous sommes, comment ont-ils pu ourdir si finement ce complot ?
    À tant de passion, d’exigence, Montfort opposa un visage froid :
    — La mer n’est pas un obstacle. Les havres sont nombreux sur vos côtes. On y peut toucher terre, la nuit, sans crainte, et repartir aisément pour la Grande Ile la nuit suivante ou celle d’après.
    Ogier ne disait mot. Ce qu’il apprenait lui paraissait redoutable et fragile. « Il me suffit d’aller à Chauvigny et d’exercer sur les seigneurs et les manants présents une surveillance attentive… » Et ensuite ? Même s’il découvrait les membres du complot, pourrait-il les dénoncer ? Si le roi ou le duc Jean se trouvait là, Blainville (qui forcément serait présent), Ramonnet ou Lerga ce maudit Navarrais,

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