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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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après avoir soupesé une bourse bien pleine. J’approuve ton dessein, mon gars, mais tu dégarnis mes défenses au moment même où la menace est très forte… Et cette aide pécuniaire va réduire mon épargne déjà fort écornée !
    — Ah bah ! grogna le blessé, agacé. Ce que j’ai à vous révéler en échange de quelques poignées de monnaie vaut une charretée d’or !
    Son visage s’était durci. Il demeura figé, attentif, les paupières mi-closes, la bouche pincée dans une expression d’amertume où ses lèvres disparaissaient, avant de s’adresser à Godefroy d’Argouges :
    — De toute façon, tes défenses seront bientôt menacées par d’autres maufaiteurs que les suppôts de Blainville.
    — Messire, dit Ogier, parlez-nous nettement.
    Il supprimait une fois de plus le monseigneur encombrant. Cet homme commençait à l’exaspérer. Montfort grimaça, enfouit une main sous le drap et, frottant doucement son flanc blessé :
    — Philippe et son royaume vont subir une épreuve dont jamais ils ne se remettront… Les havres d’Angleterre : Yamoude, Dartemoude, Pleuvemoude, Wésincé, Hamptone [173] sont pleins de nefs, de barges, de galères et d’uxers [174] destinés au plus grand des assauts qu’on verra de mémoire d’homme… Les compagnies manœuvrent et les archers s’exercent. Ils seront cinquante mille, peut-être plus, lancés à la conquête de la France…
    — Ils vont donc débarquer !
    Surmontant mal sa surprise, Ogier faillit secouer ce mauvais prophète donc la tête dodelinait :
    — En quel endroit, messire ?
    — Je ne sais. Godefroy d’Harcourt…
    — Un traître !
    — Modère-toi, mon fils…
    — … tient à ce que ce soit en Cotentin, son terroir [175] , continua Montfort, impassible. Édouard, lui, veut cingler vers son duché d’Aquitaine afin de porter un nouveau coup au royaume…
    — Où ? demanda Ogier.
    — Certains, comme le fils aîné du roi, Édouard de Woodstock, sont partisans de deux actions conjointes : la Normandie et le Pierregord…
    Montfort déglutit, assoiffé sans doute. « Un traître ! Un faiseur de malheurs ! » songea Ogier tandis que le blessé poursuivait :
    — Rien n’est décidé. Quant à moi, avant de quitter l’Angleterre, je me suis aperçu qu’Édouard m’avait retiré sa confiance… Il ne serait pas étonnant qu’il ait chargé Blainville de m’occire afin d’administrer seul ou par l’entremise d’un de ses hommes liges cette Bretagne d’où il pourrait, quand ses années y seraient en grand nombre, envahir à tout jamais la Normandie et enfin conquérir Paris !
    Ces révélations fournies à mi-voix – comme si hors des murs on les pouvait entendre – plongèrent Ogier dans la fureur et la perplexité. Il respirait mal, tout à coup. Cinquante mille hommes !… Il fallait avertir Philippe VI et l’exhorter à prendre des mesures pour contenir cette immense marée.
    — Quand ? demanda simplement Godefroy d’Argouges.
    — À la fin du prochain printemps.
    — Quel jour ? insista Ogier. Allons ! répondez donc, messire…
    Montfort regarda les Normands avec un air d’âpre défi :
    — Laissez-moi commencer par le commencement !… Et si vous l’ignorez, sachez que depuis cinq ans, le dimanche et le lundi de Pâques, des joutes et un tournoi rassemblent à Chauvigny, près de Poitiers, moult chevaliers, seigneurs et écuyers du royaume… et d’ailleurs… Sachez que l’an passé, Philippe VI en était. Cette année, son fils Jean a couru trois lances. Il se peut qu’il revienne l’an prochain, bien qu’il ait mordu la poussière et s’en soit retourné courroucé sous sa tente !
    — Tout ceci ne nous enseigne rien, coupa Godefroy d’Argouges, sinon que le duc de Normandie est mou, hautain et… instable !
    Montfort sourit, prenant en dérision cette impatience :
    — Tu le sais aussi bien que moi, compère : rien n’est plus confus qu’un rassemblement d’hommes venus de toutes parts pour s’affronter à armes courtoises devant leurs pairs et un bon millier de manants et bourgeois parmi lesquels n’importe quels Judas peuvent aisément se glisser…
    Godefroy d’Argouges opina de la tête. Montfort reprit alors sans précipitation :
    — Quant aux jouteurs et tournoyeurs, si certains sont trop célèbres pour passer inaperçus, d’autres échappent peu ou prou à la curiosité…
    — À celle du public, je veux bien, mais nullement à

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