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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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de mauvais. Je t’en fais serment, ma sœur.
    Il n’osa la baiser aux joues : il devait lui fournir l’image d’un chevalier solide, peu enclin aux vuiseuses [189] . Aude s’éloigna sans mot dire, et pourtant, outre son angoisse à propos de Champartel, il se pouvait qu’elle l’eût rejoint pour une raison précise… Mais laquelle ? Le présent, le devenir ou le passé, ce passé qu’il avait raconté à son père, devant elle, en excluant de son récit déjà sommaire sa discorde avec son oncle, bien qu’il n’eût jamais démérité, puisque Tancrède en était responsable.
    « Où est-elle, désormais ? »
    Elle pouvait avoir exercé sur Hervé tout son pouvoir de séduction. Elle pouvait l’avoir accepté dans sa couche. Jamais elle ne céderait à Briatexte… En était-il si sûr ? Non. Elle se permettait tout par grand plaisir de connaissance et pour se conforter sur l’étendue et la vigueur de son audace.
    — Elle ne verra jamais Jeanne de Montfort, à moins qu’elle n’aille en Angleterre… J’ai sauvé son époux, mais le lui dirais-je qu’elle refuserait de me croire.
    Cessant de grommeler, Ogier soupira. Il pensait trop. En fait, il s’ennuyait. Passé le juste et poignant émoi des retrouvailles, il ne savourait guère, au milieu des siens, parents et serviteurs, le plaisir auquel il avait aspiré. Entre ses espérances et les réalités, rien ne coïncidait.
    « Blainville avait cru nous anéantir… Il nous a écartelés ! »
    Plutôt qu’une fissure dont les bords auraient dû se ressouder dès son retour, l’exil avait creusé entre eux et lui une brèche définitive. Aude s’en était-elle aperçue ? Craignait-elle quelque nouvelle rupture qui, tout en l’éloignant, éloignerait Thierry ?… Eh bien, elle avait raison d’être soucieuse, puisque leurs existences divergeraient à nouveau. Depuis ce soir, il vivait moins l’immédiat que l’avenir. Et cet avenir avait un nom : Chauvigny.
    Ogier s’apprêtait à se rendre aux écuries quand, surgissant de l’ombre, un fantôme avança dans sa direction.
    — Guillemette !… Vous êtes bien la seule que j’aurais pu croire endormie.
    Son pelisson gris la rendait blafarde. Promptement, elle parvint en haut des marches et croisa les bras, mettant ainsi, par l’encolure de sa camisole, sa poitrine en évidence.
    — Je ne puis reposer, messire, tant j’ai peur… Et personne ne veille sur cette courtine !
    Elle aussi. Toutes tremblaient sur leur paillasse. Elles avaient commenté le passage de Jean de Montfort ; elles étaient effrayées dans l’attente de représailles.
    — Je veille, m’amie. Ne t’en es-tu pas aperçue ?
    Accoté au merlon, attentif et souriant, Ogier considéra cette fille aux cheveux poudrés de clair de lune, dont la chemise devait être grossière et moult rapiécée comme toutes celles des femmes de Gratot, y compris celles d’Aude. Elle l’examinait d’une façon qu’il ne put définir, à moins qu’il n’employât des contraires : vaillante et craintive, humble et hautaine.
    — Cinq ans, c’était long.
    Il en convint, bien qu’elle eût dû dire : «  C’est long  », car enfin, il ne lui était rien. Au cours de leur jeunesse – ses parents étaient morts en ces murs –, elle l’avait fui jusqu’au soir où, dans l’escalier de la Tour de la Fée, il l’avait embrassée. C’était quelques jours avant son départ pour la tuerie de l’Écluse. S’en souvenait-elle ? Elle s’était débattue en chuchotant : « Non ! Non ! » Elle aurait dû crier, le frapper de ses poings. Il avait renoncé peut-être un peu trop tôt… Vierge encore, à présent ? Courteille et Desfeux n’étaient-ils pas tentés ? Ils atteignaient un âge aux appétits salaces. Jourden, Barbet, d’autres encore devaient trouver du charme à ces tétons qu’il avait connus plus secrets… Et Aude ? Pour elle, c’était différent : sa haute naissance lui tenait lieu, peut-être pour toujours, de ceinture de chasteté… Mais Guillemette !… Soit, à Gratot, elle se trouvait en geôle ; cependant, de même que son esprit dégagé des privations et contraintes, ses sens pouvaient obtenir leur suffisance ad libitum. Et même le superflu.
    — J’ai besoin d’être rassurée… Blainville doit nous préparer un châtiment…
    Sa voix n’était qu’un souffle. Rassurée ! Ogier sourit. Bien qu’elles n’eussent aucune ressemblance, il évoqua Clotilde, la

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