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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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l’Anglais, que mes hommes soient en cause. Je leur ai enjoint de ne toucher à rien sous peine de mort. Je les sais obéissants.
    – J’ai semoncé les miens, dit Guesclin d’une voix dont l’acidité révélait un soupçon d’embarras. Ils se sont crus sans doute en Castille. Vous ne pouvez leur en vouloir, tout de même, d’avoir commis ce que nous attendions d’eux avec un tantinet d’avance.
    Était-ce une question ? Il l’avait achevée d’un ton délibéré, enjoué même. Sa rustauderie transpirait aussi parfaitement dans ses propos que dans son attitude : bras croisés, menton haut, balafre de sourire. Il savait s’accommoder de tout. Ce soir, l’éclat livide de son visage se rehaussait des lueurs rouges des feux qui l’allumaient çà et là et flambaient mal, le bois étant humide. Et Tristan le retrouva comme une nuit, au Pas-du-Breuil, présidant à une embûche avant que d’y participer. À la faveur d’un événement sans conséquence – deux vieillards en fuite -, il revoyait ce visage dont le courroux permanent et comme maladif se falsifiait soudain pour s’enduire, la sueur l’y aidant, d’une sorte le bénignité :
    – Je suis marri, cher comte… Je compatis… Je prendrai mes dispositions, lorsque je retrouverai ces hommes, pour que de tels forfaits ne soient plus… perpétrés, nous nous sommes trop attardés à Barcelone.
    – Ces golfos 313 , je veux dire ces malandrins devaient nous y rejoindre !
    – Que voulez-vous que j’y fasse ? C’est vous qui nous avez contraints de nous hâter pour rencontrer votre suzerain au plus tôt !
    –  Ces hommes avaient des capitaines !
    – Ces capitaines-là ne sont point des anges gardiens !
    Calveley, de ses bras immenses, écarta les deux hommes dont l’ire s’envenimait.
    –  Messires ! Messires !… Si vous commencez ainsi je doute fort que nous réussissions cette guerre ! !
    Guesclin et Dénia continuaient d’échanger des regards furibonds tandis que l’Anglais se sentait hors de cause. Sans doute considérait-il en son for intérieur ces débordements comme inévitables. Ses hommes et lui se trouvaient en flagrante minorité 314 . Il suffisait que le prince héritier d’Angleterre les rappelât soit à Bordeaux soit ailleurs pour qu’ils fissent leurs adieux aux Compagnies. Il lui était bien égal que les satellites de Guesclin et des chevaliers de France n’eussent rien changé à leurs façons malgré les bénédictions du Pape. Au demeurant, il avait une préférence pour Dénia, car il connaissait Guesclin. Hardi, certes, mais pervers. Toutefois, aussi grand que fût son mépris, il devait secourir le Breton afin de n’en être point victime. Par deux fois, il l’avait capturé, d’où un ressentiment qui suppurait encore.
    –  Nous allons rejoindre l’armée. Nous saurons quels capitaines ont entraîné ces maufaiteurs à commettre de pareils excès… et nous ferons justice.
    – Et puis quoi, dit Guesclin, la guerre, c’est la guerre !
    Le lendemain matin, les Aragonais virent arriver un chevaucheur portant une livrée à leurs armes. Lorsqu’il fut reparti, on apprit que le roi Pierre IV s’était mis en chemin pour Saragosse. Il enjoignait à sir Hugh Calveley de l’y rejoindre avec ses forces. Ses forces ? L’Anglais les avait incluses dans la truandaille qui dévastait l’Aragon (554) . Il partit aussitôt avec ses hommes liges et Arnoul d’Audrehem. Nul n’apprit ce qu’ils avaient dit à Guesclin.
    On continua d’avancer dans le froid, de coucher la nuit sur une maigre couverture, enveloppé d’une autre se relayant pour surveiller le feu, au-dehors, et les chevaux accoutumés à des hivers plus rudes. Tout en cheminant, le comte de Trastamare faisait publier par ses hérauts des manifestes où il exposait les raisons qu’il avait de mener une guerre contre Pèdre, son frère et souverain seigneur. Aucun de ses compagnons n’eût pu dire s’il parvenait à tourner les cours et les esprits vers lui, bien qu’il excipât quelquefois lui-même de la justice de la légitimité de ses desseins. Il en donnait pour raison essentielle l’outrage commis contre sa mère, dona Leonor de Guzman, que don Pèdre avait fait occire ignominieusement, outrage dont il ne pouvait, sans violer les lois naturelles, manquer de prendre vengeance, ainsi que des mauvais traitements qu’il avait lui-même reçus de ce roi que le Saint-Père, par un jugement solennel, avait déclaré

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