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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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compagnies, une sorte d’esseulé claquemuré dans ses ambitions.
    Le prince, fort entouré, gagna un appartement mis à sa disposition par Pierre IV. Il y convoqua son hôte, Guesclin, Calveley, Bourbon et quelques autres. Des entretiens commencèrent dont ceux qui n’y assistaient pas ne surent rien. La seule information que l’on obtint par l’entremise d’un fidalgo indiscret fut que le roi d’Aragon ferait quelques lieues de conduite à don Enrique puis s’en reviendrait à Barcelone en abandonnant à son cousin quelques centaines de guerriers.
    – Attendons, dit Tristan. Nous partirons bientôt.
    Il en était impatient. Ses songeries, parfois, le ramenaient à damoiselle Inès plus fréquemment qu’à son épouse. L’une était proche et Luciane tellement lointaine qu’il se remémorait malai sément ses traits. Son beau-père songeait-il à dona Carmen davantage qu’à la dame de Champsecret ? Ils savaient l’un et l’autre, sans jamais en avoir parlé, qu’ils ne reverraient pas leurs compagnes d’un festin avant leur départ pour la Castille et que celles-ci, pourtant, souhaitaient une ou de nouvelles rencontres. Il eût fallu fréquenter les églises, hanter le marché ou errer tout bonnement dans les rues. Tristan préférait ménager ses forces et demeurer auprès d’Ogier d’Argouges. Lionel et ses garçons musardaient en ville, Paindorge et les soudoyers aussi. L’opinion de l’écuyer quant à l’arbalétrier se résumait en une phrase :
    – Il vous hait tous les deux chaque jour un peu plus.
    Un matin, après quelques sonneries de trompes, le commandement retentit :
    –  Debout ! Apprêtez-vous… Nous partons !
    On emplit les chariots, on sella les chevaux et bâta les mules. On sortit de la cité en bon arroi, bannières au vent, derrière les deux princes et les gentilshommes. Hors des murs, les capitaines et les soudoyers de don Henri, prêts à partir, saluèrent dès qu’ils virent ces hommes de fer qu’ils prenaient pour les Fleurs de la Chevalerie de France et d’Angleterre, leurs écuyers et leurs serviteurs. Des manants et des bourgeois s’étaient massés près de la porte gardée par des picquenaires, là où le soleil versait des lueurs chaudes et dorées.
    – Vois, Tristan ! dit Ogier d’Argouges.
    Emmitouflées dans des galvardines de laine rousse, coiffées de panuelos 308 de même couleur et serrées d’un bras, l’une contre l’autre, dame Carmen et sa fille dardaient sur eux des yeux noirs de reproche.
    – Pourquoi nous avoir délaissées ? demanda Inès, implorante.
    – Dames, vous le savez : rien n’était possible… Nous sommes des morts en sursis… Il faut vous faire une raison…
    – Nos cœurs vous étaient ouverts.
    – Et autre chose aussi, chantonna Paindorge.
    Ni Tristan ni Ogier d’Argouges ne se retournèrent. À quoi bon.
    – Tu regrettes ?
    – Bah ! fit Tristan. Ne suis-je pas l’époux de la plus belle fille ?
    Ils rirent. Paindorge également. Alcazar parut opiner de la tête.
    On chemina sous un ciel moutonneux. Le froid mordait les mains sous les anneaux des mailles ; les haleines brumaient ; les naseaux des chevaux exhalaient des fumées. On disait le Trastamare enrhumé quoique impatient de tirer l’épée.
    – Peut-être ferons-nous la guerre sous la neige.
    Déjà des plaines âpres et dénudées révélaient quel ques cahutes devant lesquelles se tenaient des loudiers 309 immobiles. Déjà recommençaient le cliquetis des armes et des lormeries et l’incessant sabotement des fers. Tristan regardait devant lui, aussi loin que possible, guettant sous ses sourcils froncés tout ce qui pouvait se mouvoir. Le chemin s’enfonçait dans des replis pierreux puis remontait vers des terres en friche, vers des montagnes lointaines dont les neiges endeuillaient leur blancheur dans l’azur ennuagé de sombre.
    –  Lionel n’est pas loin de nous, dit Tristan après s’être retourné. Peut-être veut-il la paix.
    – Non… Vois-tu, mon gendre, la vie est sotte, injuste, mauvaise. Pour lui et pour moi. Nous n’y pouvons rien. Il n’existe aucun remède… S’il avait été autrement, j’aurais fait valoir ma paternité. Je l’aurais pris avec nous. Il aurait accompli quelques appertises 310 pour me prouver qu’il est bien de mon sang. Un jour ou l’autre, la Chevalerie l’aurait accueilli en icelle. Mais il se meut dans la médiocrité. Il en jouit.
    Ogier d’Argouges soupira comme s’il

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