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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Matthieu, si différents et si précieux.
    « Où sont-ils ? Se doutent-ils de mon retour ? S’ils m’ont attendu, Argouges m’en voudra-t-il d’avoir tant tardé ? Me fera-t-il confiance ? »
    Il s’obstinait à nier son angoisse. Luciane vivait. Les Navarrais l’avaient respectée. Sa délivrance n’était pas pour lui un dessein trop ambitieux. Le sentiment qu’elle lui avait voué et avoué lui semblait toujours moins fort qu’elle ne l’avait prétendu, sans quoi elle n’eût point brisé ce qui n’était encore pour lui qu’une délicieuse accointance.
    « Si vraiment elle m’avait amouré, mon passé n’aurait jamais dû provoquer sa jalousie. Le sien n’a point cessé de m’être indifférent. Est-ce la preuve que je n’en suis pas épris ?… Ah ! Nous y sommes. »
    Enfin, il entrevoyait le château implanté dans une vaste et haute motte : un fantôme anguleux sur lequel pesaient des nuages bouffis d’orgueil et de ténèbres.
    « Bon sang, qu’il est grand ! »
    De même qu’il pouvait imaginer la taille d’un loup, d’un cerf ou d’un sanglier à la seule vue de sa tête, le peu qu’il venait d’apercevoir du donjon de Ganne restreignait ses espérances. L’enceinte de ce colosse était-elle, sur sa surface extérieure, renforcée d’arbustes épineux tels que les aubépines, les houx et les roncières entre lesquels il cheminait ? À l’exemple des Navarrais, les arbres et les herbes régnaient despotiquement sur ce lambeau de Normandie.
    Malaquin trébucha contre une racine. Tristan mit pied à terre et marcha entre son cheval et Coursan tout en regrettant que leurs lormeries 35 quelquefois aheurtées fissent apparemment plus de bruit que d’ordinaire. La nuit, désormais, inondait toutes choses. Sous son obédience, la plupart des branches basses disparaissaient. Coursan qui, au dernier moment, distinguait certaines d’entre elles, s’ébrouait sans crainte, lui, d’annoncer sa présence.
    Résigné à tout, Tristan vivait ces moments d’incertitude et d’anxiété avec une sagacité singulière et répugnait à s’arrêter pour écouter les bruits suspects parmi les cris des oiseaux nocturnes et les chants des rainettes. Il n’était animé que de deux certitudes : Tiercelet l’attendait et Luciane, dans sa geôle, désespérait qu’on la déli vrât. Cependant, comme juxtaposés à ces évidences, d’autres sentiments le pénétraient : outre l’exigence sourde, constante, de venger Oriabel, l’envie de renouer avec son père malgré l’obstruction probable d’Aliénor ; la curiosité de savoir si son demi-frère était un Castelreng ; le désir de se justifier auprès d’Ogier d’Argouges qui sans doute, avant d’épouser Blandine, fille d’un baron poitevin, avait jeté sa gourme aux quatre vents et perdu sciemment la mémoire.
    Ces pensées l’agaçaient. Il eût souhaité se savoir simple et droit, sans un passé chargé d’aventures éprouvantes. Ne jamais rien ressentir qui ne fût combattu en lui par d’autres événements, d’autres instincts, d’autres exigences. Appartenir tout entier à Luciane sans aucune restriction ? Elle-même savait que c’était impossible. Il y aurait toujours concurremment à leurs amours la Chevalerie, le service du roi et l’obligatoire servitude de l’ost.
    « M’en serais-je épris sans le vouloir admettre ? Est-ce le fait qu’elle soit toute proche ? »
    Ce soir, il n’imaginait pas de meilleur délit 36 que de la serrer dans ses bras. Lors de leur fuite d’Angleterre, elle l’avait merveillé par son courage. Pourquoi s’était-il privé de révéler à Ogier d’Argouges combien il avait admiré sa pucelle le jour où, en compagnie de Paindorge et de Thierry, des Navarrais les avaient assaillis, contraignant Luciane à empoigner une lame ?
    Il réprouvait désormais ce silence dû sans doute à la crainte de passer pour un losengier 37 décidé à complaire au père afin d’en obtenir la fille. À moins qu’il n’eût été retenu par une espèce de scrupule, une involontaire humilité de conscience qui lui avait fait redouter, sur le moment, de n’être digne ni de la fille ni du père. Et puis quoi ? Il devait se l’avouer : il avait hésité et hésitait encore à enchaîner sa liberté.
    Il allait s’engager dans un chemin plus étroit lorsqu’un craquement le fit s’arrêter.
    « Ah ! » se dit-il, les yeux écarquillés, sans distinguer autre chose, au

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