Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
Champsecret, l’autre d’Orbec, la troisième de Giverville. Les Navarrais voulaient en faire leurs délits (467) …
    – Mariées ?
    –  Toutes veuves et pauvres, à présent. Elles ont vu leurs demeures embrasées.
    – Pas d’enfants ?
    – Non. Trois sont jeunettes. Entre quinze et dix-huit…
    – Que vont-elles devenir ?
    Paindorge interrogeait du regard ses compagnons car la réponse à sa question tardait. De nature serviable, il se triboulait aisément pour autrui. Sa ténacité à vouloir le bon ou le mauvais s’exerçait aussi bien lors des batailles que dans sa compassion pour les êtres mal heureux.
    – Que vont-elles devenir ?
    – Bah ! fit Tiercelet. Est-ce que je sais !
    Depuis le trépas d’Oriabel, les tribulations des femmes le laissaient indifférent.
    – Elles ne peuvent revenir chez elles dans l’état où elles sont.
    Cette évidence énoncée, Ogier d’Argouges parut quêter l’accord de son beau-frère.
    – Si ces dames n’ont plus rien, dit Thierry, comme l’assure Guillemette, tu dois leur proposer de nous suivre à Gratot. Les chevaux ne manquent pas. Nous les prendrons tous pour en vendre quelques-uns à la foire de Lessay.
    Tristan sentit la dextre de Tiercelet se poser, légère, sur son épaulière.
    – Viens-tu ?… Il nous faut ensépulturer Matthieu.
    Tristan suivit le brèche-dent. L’armure lui pesait de plus en plus et sa Floberge l’embarrassait. Il essaya de se raidir contre cette double contrainte et surtout contre l’injustifiable anxiété qui l’obsédait sans qu’il parvînt à en définir la cause.
    – La délivrance a réussi. Tu es heureux : Luciane est intacte.
    – Non, Tiercelet : j’ai de la peine. Matthieu est mort.
    –  C’était le prix de notre victoire… Tiens, voilà sa tombe. Crois-tu qu’il faut l’approfondir ?
    Il fallait la force et la vivacité de Tiercelet pour avoir creusé en si peu de temps une terre dure, pierreuse. Tout proche, Mat thieu dont le sang coulait encore gisait sur le flanc. Des mouches et des taons butinaient son visage.
    – Il avait pris trop de goût à occire.
    – C’est vrai. Soustrayons-le à la vermine.
    Après qu’il eut été dégagé de son écorce de fer, Matthieu chut dans le trou tout juste à ses mesures. Tandis que la terre, par mottes et miettes, le recouvrait, Tristan ne put s’empêcher de songer à une sépulture qu’il n’avait pas encore vue et devant laquelle Tiercelet s’était seul recueilli.
    – Tu es heureux ? Luciane semble le repentir en personne.
    Disant cela, le brèche-dent n’ironisait point.
    – Heureux ?… Je n’oublie pas Oriabel. Il me semble que je la trahis.
    – C’étaient tes premiers émois. Tu aimes l’autre différemment… Si tu l’aimes…
    – Oriabel… Je l’aimais comme on aime une sainte.
    « Est-ce vrai ? » s’interrogea Tristan dont le défunt amour se transmutait en vénération.
    Bien qu’il n’eût pas à se disculper des sentiments qui l’animaient envers Luciane, il en éprouvait soudain la nécessité. Oriabel, c’était en vérité sa jeunesse. Chaque fois qu’il y pensait, un trouble – ou quelque souvenance troublante – l’envahissait et un émoi passait dans sa chair comme si le sentiment qu’il portait à Luciane allait avoir, s’il l’avérait et le sanctifiait par un mariage, de néfastes répercussions dans sa vie. Et pourtant, vivre, c’était aussi aimer comme c’était aussi, dans l’existence d’un chevalier, se préparer à mourir. Tiercelet le jugeait en plein soleil, en pleine lumière, et son visage était si brûlant que les gouttes de sueur accrochées à sa barbe lui semblaient fraîches.
    –  J’ai hâte de me laver, de me rère (468) . Je ne pourrai jamais oublier… Enfin, tu me comprends.
    Mais Tiercelet pouvait-il comprendre ? Il avait aimé Oriabel autrement. Autrement ? Et si l’amour fraternel qu’il lui avait voué n’avait été qu’une hypocrisie dont il n’avait pas eu conscience ?
    Tristan décida de se taire. Des images et des sensations resurgies le blessaient autant sinon pis qu’une lame. Une chair laiteuse, la courbe tiède qui joignait une épaule semée de trois grains d’ambre à un sein clair taché de roux ; une aisselle quasiment imberbe où se réfugiaient son nez, sa bouche, et qu’il titillait de sa langue. D’autres secrets plus profonds. Une charnalité rustique et divine…
    – Tu l’aimes, elle ?
    –  À la

Weitere Kostenlose Bücher