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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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et de quatorze servants. On ne sait jamais où ils sont. Ils bretonnent 93 comme l’autre.
    Ogier d’Argouges ne citait pas Guesclin. Il l’exécrait. Tristan se refusa d’en savoir la raison.
    Ils marchaient lentement. L’ombre leur était douce. Les oiseaux pépiaient. Une sorte de gaieté voletait, elle aussi, dans l’air.
    – Je suis recreu, avoua le seigneur de Gratot. Par le sang de mes aves 94 , j’ai craint parfois que cet Herbault ne parvienne à m’occire.
    –  Je suis tané 95 , moi aussi. Pauvre Matthieu…
    Un détour entre deux haies de fougères. Ils virent Luciane et Guillemette serrées l’une contre l’autre devant les quatre inconnues – des Normandes, sans doute. La crainte leur faisait des faces identiques. Les ombres et les clartés qui les effleuraient aux souffles du vent les rendaient toutes jeunes et belles, même celle qui devait enfanter et qui, des deux mains, soutenait son ventre.
    – C’est une belle chance, Tristan, qu’elles n’aient pas été violées. Je le craignais… Parfois, j’ai douté de votre venue… et de notre réussite.
    – Pensiez-vous, messire, qu’après l’annonce de son enlèvement, je me serais éloigné davantage de votre fille ?
    C’était une question abrupte, voire impitoyable. Ogier d’Argouges courba le cou autant que le lui permettait le colletin de son armure.
    – L’eussiez-vous fait que je vous aurais compris… et détesté… Je me suis dit parfois, en espérant votre aide, que je concevais votre courroux et que si vous étiez demeuré près de nous, les choses auraient pu changer.
    – Je pourrais vous répondre en vous désobligeant, car plutôt que d’apaiser l’attayne 96 de Luciane, vous l’avez méchamment accrue. Mais oublions… Guillemette sait-elle que Raymond ne reviendra plus ?
    – Thierry le lui a sûrement dit en la libérant de sa geôle.
    – Je n’aurais pas eu le courage de le lui apprendre. Raymond et Thierry ont fait comme moi à Brignais : contraints de participer à la mêlée, ils y ont défendu leur vie.
    – Vous êtes bon.
    Tristan allait s’en défendre, mais Luciane fut devant lui, anxieuse et comme repentie. Une gravité qu’il ne lui connaissait pas tirait ses traits, accentuant leur pâleur. L’angoisse et les frayeurs de la captivité avaient suppléé cette rigueur vraiment impardonnable qu’elle avait affirmée lors de leur rupture. Il n’eût point été ébahi, ce jour d’hui, qu’elle ébauchât un semblant de génuflexion, prît sa dextre et la baisât.
    – Vous nous avez sauvées.
    – Je n’étais pas seul.
    Sous sa coiffure échevelée, avec ses paupières fripées par les veilles, ses yeux larmoyants et las, sa bouche qui tremblait sur des sanglots retenus à grand-peine, il lui semblait la découvrir enfin et se sentait son protecteur plutôt qu’un adulateur à la sujétion déraisonnable. Une robe grise, sale, informe, contribuait à rehausser sa beauté davantage encore que celles, simples et seyantes, qu’il lui avait connues.
    – Toujours belle, dit-il en dominant son émoi et en cherchant des mots qu’il eût certainement trouvés seul à seul. M’amie, comme vous voilà !… Vous étiez ainsi affublée quand nous sommes revenus d’Angleterre.
    Commettait-il une bévue ? L’ironie, même tendre, n’était point de mise après les frayeurs que Luciane avait endurées. Cependant, outre qu’il ne pouvait refréner ses paroles, la pucelle, tout occupée de sa présence, les entendait à peine.
    – Il faudra, dit-il, me permettre de remédier à ce dommage dans la première cité où nous passerons.
    Il n’osa préciser que son escarcelle était pleine : le roi Charles la lui avait gonflée entre deux portes.
    – Je veux vous voir, m’amie, quointoyée 97 selon vos mérites.
    Elle n’osait dire un mot, pas même accomplir un geste tandis qu’en dépit de ses vêtements de pauvresse il lui redécouvrait derechef cette grâce et cette frisqueté 98 d’allure qui eussent pu provoquer l’envie des infortunées dont elle avait partagé la geôle. Il ne les voyait d’ailleurs pas, ces femmes, et c’était à peine s’il avait aperçu Ogier d’Argouges et Guillemette enlacés par la joie de se retrouver et le chagrin d’avoir perdu Raymond. Quant à lui, toutes les résolutions qui l’avaient brûlé, consumé de Reims à Ganne, n’étaient plus que de tièdes velléités. Il ne savait comment effacer le passé pour renouer les fils

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