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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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grand coursier à la robe de perle. Il lui parlait à voix basse de leurs galops passés et futurs ! Il faisait beau. C’était présentement l’essentiel.

IV
     
     
     
    Bras dessus bras dessous, ils cheminaient le long de la douve dont l’eau grise, immobile, se ridait parfois au passage d’une carpe ou d’une anguille. Dans une brume étale au-dessus de la mer, le soleil exhibait sa rondache vermeille. Les moineaux, les pies, les mouettes profitaient des dernières clartés. Leurs piailleries incitaient à la gaieté.
    Réfléchi dans son épais miroir liquide, Gratot conservait sa rigueur et sa maussaderie. Dedans, les uns assis dans l’herbe de la cour, les autres sur les montoirs de l’écurie, les hommes, sans doute, échangeaient des récits de batailles cependant que les femmes, au cour du tinel illuminé par l’âtre et quelques chandelles, disposaient les couverts sur la longue table au plateau jonché de cicatrices : des haches et des épées l’avaient marqué jadis sans qu’il cédât sous leurs tranchants.
    – Elles ne partiront point, dit Luciane. Elles ont peur. Ermeline surtout. Elle dit que son fils ne peut-être mieux ailleurs qu’à Gratot.
    – C’est ce que pense Thierry. Il s’est institué son défenseur.
    Un sourire – peut-être le reflet d’un songe triste – mit un peu de brillant aux lèvres de la jouvencelle
    –  Père semble épris d’Adèle de Champsecret.
    –  En es-tu contristée ?
    Tristan sentit sa taille enfermée dans un bras.
    – Non… Il reprend goût à la vie. Vivre, c’est aimer.
    – Il t’a. Il t’aime.
    – Je l’ai, je l’aime et c’est insuffisant.
    – Paindorge me paraît hésiter entre Béatrix d’Orbec et Marie de Giverville.
    – Le pauvre !… Il n’est pas d’assez haute naissance. Elles en ont parolé toutes deux devant moi.
    – Certes, sa naissance n’est point haute, mais son âme l’est. Sans son courage, ces deux pimpesouées 102 seraient à Chierbourc. Elles y auraient été besognées par Herbault et son frère, puis offertes à leurs soudoyers.
    Tristan regretta son courroux, mais quoi ! Il avait aimé, lui, une vacelle 103 . En toute connaissance de cause. Aimé à la folie, eussent peut-être pensé dames Béatrix et Marie. Eh bien, non. En choisissant Oriabel, il était des plus lucide. Il eût été charmé qu’elle portât son nom.
    – Tiercelet, lui, trouve toujours un prétexte pour s’éloigner des dames… même de moi.
    Tristan se sentit sans réponse. Une seule femme avait compté pour le brèche-dent. Une seule avait reçu son amitié, obtenu son dévouement et profité du culte qu’il lui décernait. Un amour chaste. Les battements de cœur de ce rustique valaient – et peut-être surpassaient – ceux d’un noble homme.
    « Et les miens ? » se demanda Tristan soudain agacé par le bras qui venait de l’enserrer et la petite main crochetée à sa ceinture.
    Une trompe meugla. Il reconnut dans ce long appel le souffle immense de son ami.
    – Tiercelet corne l’eau.
    – Déjà ! s’irrita Luciane, et, le visage offert : Baise-moi, Tristan.
    Il obéit brièvement. Un soupir de dépit fut sa récompense.
    « Si je lie mon sort au sien », songea-t-il, « dois-je aussi m’attacher à Gratot ? »
    Ne pouvaient-ils exister ailleurs qu’entre ces douves sombres et ces murs de granit ? L’oisiveté à laquelle il était contraint depuis deux semaines instillait en lui un sentiment d’inutilité dont la permanence le chagrinait. Seul, sans doute, Tiercelet en avait décelé l’importance.
    – À quoi penses-tu ? À rien de bon… de beau. Je sais lire sur ton visage.
    Passant son bras autour de l’épaule appuyée contre la sienne, Tristan effleura puis empauma un sein ferme et dardé, qu’il connut mieux encore lorsque sa main se fut aventurée dans l’ébréchure de la robe.
    – Je pense à Castelreng, dit-il honnêtement. Je me demande ce qui s’y passe.
    Il savait qu’il ne devait point laisser s’invétérer de pareils retours à son pays, à sa demeure. Pourtant, eût-il pu résister aux appels du passé ? Contrairement à d’autres bastides, Castelreng n’enfermait pas ses gens dans une existence hermétique. Le château avait été défini en ses attributions par un Carcassonnais quelques années après le trépas de Simon de Montfort. Un donjon pas très haut, quatre tours en débord d’un grand mur d’enceinte. Là s’arrêtait la conception

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