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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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rompus d’une affection dont le nom lui échappait et qu’il se refusait à considérer comme une passionnette. Un sourire de la jouvencelle et la certitude de la mutuelle inclination de leurs cœurs et de leurs caractères dissipa ses doutes et ses atermoiements : il saisit Luciane par les poignets et l’approcha de lui. Il pressentit le recul qui l’animerait à la vue de son plastron souillé de poussière et de sang.
    Elle n’eut cependant cure de ces macules et se pressa contre cette poitrine de fer comme elle l’eût fait s’il avait été vêtu de soie, de brocart ou dans un état de nudité complète. Sans parler, sans sourire, il effleura son dos, ses reins avec une lenteur, une révérence qu’il ne se connaissait pas. Il connut de nouveau la fraîcheur de ses lèvres tout en cherchant dans un regard craintif la certitude que tout pouvait renaître et s’abonnir sous de meilleurs auspices que naguère.
    – J’avais hâte de vous délivrer, mais j’étais à Reims, au sacre…
    Un sourire frémit sur la bouche tendre :
    – Tu avais cessé de me voussoyer.
    L’âme quiète et pondérée de la jouvencelle n’éprouvait, semblait-il, aucun émoi des effluves de la liberté. Une seule réalité importait pour elle : il était là, il avait participé au châtiment de ses ravisseurs. C’en était fini de l’angoisse des jours et des nuits d’attente.
    –  Je ne pensais pas que vous viendriez… Mais je… je t’espérais.
    – Dieu a envoyé Thierry à Cocherel parmi ceux que j’avais à vaincre. Nous nous sommes vus après la bataille. Il était prisonnier, je l’ai fait libérer. Je vous dirai tout plus tard…
    Il ne pouvait la tutoyer. Des chênes tourmentés versaient sur eux leurs ombrages légers ; la crudité du ciel s’en trouvait pâlie. Luciane exhala un soupir dont le bien-être affleurait la volupté. Tout scrupule évanoui, Tristan posa sur la joue qui s’offrait un baiser d’autant plus bref qu’il se savait observé.
    – Je suis heureuse.
    Luciane étira ses bras aux manches loqueteuses, et gaie, cette fois sans réticence, laissant sa jeunesse s’ébrouer à plaisir, elle s’empressa de rejoindre son père et de l’étreindre sans crainte de souiller, cette fois encore, son vêtement au sang dont l’armure était criblée.
    Un gémissement bref détruisit l’enchantement.
    – C’est Ermeline.
    Il y avait dans ces deux mots moins d’étonnement que de reproche. De la pitié aussi : Luciane déplorait le mal preignant 99 qui, reprenant sa compagne de geôle, interrompait des effusions qu’elle eût aimé prolonger.
    – Tu ne peux faire tes couches en forêt ! s’écria Guillemette en rejoignant la petite brune au ventre visible sous les déchirures d’une gonne grise aux pans croûteux de boue séchée.
    – Je les rejoins, Tristan. Pardonne-moi.
    Oui, Luciane avait changé. Ce « Pardonne-moi » l’attestait.
    »
    –  Il faut la ramener au châtelet. Il y a de l’eau et des lits. Veux-tu la porter, Tristan ?
    Comment refuser ? Ce n’était point une question, d’ailleurs, mais une prière.
    Tristan souleva la jeune femme et la trouva, sous son écorce de fer, plus pesante qu’il ne l’avait imaginée.
    – Quand vous serez hodé, dit Ogier d’Argouges, n’ayez crainte de le dire.
    Luciane intervint :
    – Cette armure est un fardeau de plus… Passez-lui, Ermeline, vos bras autour du cou. N’ayez crainte de me déplaire.
    Luciane avait décidément changé. Sa bienveillance était plus sereine et sa générosité plus douce.
    Marcher, se montrer fort. Tristan suait. Les bras tièdes et soyeux qui ceignaient son cou lui étaient plutôt qu’un plaisir une gêne. Parfois, le père de Luciane demandait : « Voulez-vous que je la prenne ? » Il refusait.
    Il déposa dame Ermeline sur le seuil de ce qui avait été sa geôle. Guillemette le remercia d’un sourire et Luciane d’un baiser. Il laissa les femmes autour de la parturiente et rejoignit ses compères groupés sur le seuil de l’écurie.
    – On a entassé les Navarrais dans ce coin, là-bas, dit Tiercelet. Que les mouches les dévorent !
    – Matthieu ?
    – J’ai trouvé une houette et commencé à fosser la terre.
    – C’est bien… Je suis inquiet pour cette dame.
    – Ermeline de Montsurvent, dit Ogier d’Argouges. Ils ont égorgé son époux qui refusait de les suivre et de leur donner son or. Il était chevalier.
    – Les autres ?
    – Une est de

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