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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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leurs bouches torses. Derrière leurs ombres maléfïciées, on devinait à l’aguet des formes immobiles. L’Anglais, quelquefois, tendait le poing vers elles – geste d’un homme, d’un chef craint et obéi, mais nullement respecté.
    « C’est pire que Brignais si ma mémoire est bonne. Va-t-il falloir vraiment s’accointer avec ça  ?… Des gens comme Bourbon, Beaujeu, Villaines, Argouges, ne le pourront supporter ! »
    Abandonné par son beau-père heureux de confabuler avec l’archer d’Angleterre, Tristan fut rejoint par Paindorge, à pied lui aussi, et tirant les rênes de Tachebrun que le vacarme incommodait.
    – Passez-moi les brides de Malaquin et de Pampelune, messire. Ils s’entendront, je m’en porte garant, avec Tachebrun… Et conservez la main près de votre Floberge !
    Sage conseil alors que les visiteurs pénétraient plus profondément dans cette meute énorme et tragique dont les cris s’espaçaient parce que Calveley venait de tirer sa lame et en avait frappé, du plat, un malandrin sur sa barbute. L’homme avait chu sans cri, sans plainte.
    – Voilà comment je congédie ceux qui, même la nuit, me font un peu trop d’ombre !
    Et comme il parvenait le premier sur une placette, devant l’hôtel où séjournaient les chefs de routes, Calveley ajouta :
    – Je suis sûr que l’accueil sera des plus courtois.
    Il désignait une porte entre-close derrière laquelle tremblait une lumière safranée. De part et d’autre de cet huis de bois fruste maculé de taches et de coulées brunes, se tenaient deux hommes immobiles, guisarme au poing, chacun portant sur sa cotte les trois veaux de Calveley : deux en chef, l’autre en pointe, séparés par une fasce de gueules.
    – C’est la nuit où mes hommes veillent.
    Un guisarmier poussa l’huis du talon.
    – Les voilà, cria-t-il penché vers l’intérieur.
    Dans les lueurs des flambeaux dont le nombre augmentait, Calveley regarda Bourbon, Villaines, Beaujeu et tous les hobereaux qui, ayant mis pied à terre, abandonnaient leurs chevaux à leurs écuyers et à leurs soudoyers. Tristan, d’un geste, invita les Lemosquet et Lebaudy à rejoindre Paindorge et à veiller sur les roncins, Alcazar et les sommiers tandis que Calveley enjoignait à la foule devant laquelle se pressaient des ribaudes et des godinettes au commencement de la déchéance :
    – Éloignez-vous !… Qu’on laisse en paix tous ces hommes dont les intentions sont pures…
    Il y eut des rires, des cris de femmes, quelques insultes.
    – … pures, dis-je… Et surtout qu’on n’aille point exciter leurs chevaux ! Quiconque enfreindra ma volonté perdra sa tête !
    Des grognements s’élevèrent, mais les femmes reculèrent, entraînant les hommes dans leur retraite. La plupart étaient armés, coiffés de fer, vêtus de mailles et de plates empouacrées.
    – Que viennent-ils faire ? cria un jeunet sur le devant de la multitude.
    –  Il fait sombre, dit Calveley. Demain, je vous fournirai des éclaircissements.
    – Est-il vrai, dit un vougier déchevelé, qu’ils viennent chercher notre alliance ?
    – Y vois-tu une objection ?
    L’homme dit que ce serait un « peu gros tout de même » et qu’il n’y comprenait rien. Il disparut entre deux femmes et l’on entendit ses cris comme si elles le chatouillaient.
    – Venez mes bons compères ! Approche, Bertrand.
    L’Anglais dut se baisser pour franchir le seuil. Il était si haut et si large que son corps, même replié, boucha l’entrée qui béa soudain lorsqu’il se redressa pour crier en vidant ses vastes poumons :
    –  Compagnons, voici Guesclin, notre frère en malivolance, qui prétend venir nous offrir des leçons de sagesse !
    Ces quelques mots enjoués se répercutèrent d’une façon sinistre sous la voûte d’une salle enfumée comme une aube d’hiver. Une ovation salua ces privilégiés dont la venue du héraut de Guesclin avait mis la curiosité en éveil. Prenant place entre son beau-père et Shirton, le long d’un mur, Tristan trouva que le pavement glissait sans chercher à savoir quels immondices le jonchaient. Tout était conforme à ses prévisions. La réalité coïncidant avec l’imaginaire, il voyait à la clarté fumeuse de ce tinel 197 pareil à celui de Brignais une trentaine d’hommes de tous âges, à la face gluante dont les yeux larges, clairs, aux paupières cillantes, luisaient de cet orgueil qu’il avait abhorré. À Brignais, il

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