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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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même en Espagne, il ne serait le frère d’armes, le compagnon, l’équivalent de ces damnés.
    – Dieu garde les compères que je vois là ! Je vais vous parler au nom du roi de France.
    – Qu’il aille se faire… commença une voix qu’un hourvari engloutit.
    Cette fois, obstiné, Guesclin récidiva :
    – Dieu garde les compagnons que je vois là !
    S’il avait cru que son irruption fascinerait la truandaille, il en était pour ses frais.
    – Devenir des hommes du roi ! s’écria un homme blafard et grassouillet qui semblait étouffer dans sa brigandine.
    Et il se mit à ricaner sans pouvoir prolonger sa pensée, tant, peut-être, il la secouait en chancelant sur ses jambes.
    – Quel honneur ! dit-il enfin en prenant appui de ses poings sur une table vide de vaisselle et de nourriture, mais encombrée de hanaps, gobelets et pichets.
    – Hé ! oui, dit Calveley en s’approchant. Quel honneur, Hewett 200  !
    C’était donc Huet. Si son compère, Robert Chesnel, jouissait de voir couper et de couper les mains des paysans du comté d’Alençon, on disait qu’il préférait, lui, toucher ses prisonniers sur un lit de Procuste.
    – Tu l’as dit, grand ami, quel honneur !
    Un moment, Huet et Calveley furent si proches que Tristan ne put retenir un sourire : la tête du premier arrivait au niveau du biceps du second. Une misérable félicité empourprait les traits du godenot qui, auprès du géant, se croyait au moins à sa hauteur pour ce qui était de commander : un roi que l’on disait égrotant et peureux avait délégué Guesclin jusqu’à lui, jusqu’à eux pour traiter d’une affaire importante. Et derechef, dans les recoins pénombreux, Tristan vit s’animer ces gens qui ne vivaient que pour la rapine et le meurtre, qui n’existaient que pour la malfaisance et que le Pape, disait-on, absoudrait de leurs péchés s’ils lui faisaient la promesse – par l’entremise de Guesclin – d’aller en commettre ailleurs. Il reconnaissait sur ces figures l’expression de vileté qui, depuis Brignais, lui était si familière, mais l’espèce de jubilation qu’elles montraient en se concentrant sur Guesclin lui était inconnue. À Brignais, envers lui, Tristan, la suspicion, la moquerie, la dérision étaient permises eu égard à la petitesse de sa condition. Ces fredains 201 abominables nourrissaient pour le Breton un ambigu de moquerie et d’admiration qui ne pouvait que soulever un cœur épris de Justice et de toutes les choses saines.
    Guesclin prenait son temps, composait son attitude : les bras de fer croisés, l’œil illuminé, le jabot tendu sous un menton d’imperator résolument décidé à démentir l’expression imperatoria brevitas, car il semblait mesurer son souffle afin de parler d’abondance. Et telle était la considération qu’il provoquait peu à peu que nul n’osait bouger ni poser son séant sur une banquette ou une escabelle. Paindorge bâillait avec décence et se retournait parfois, craignant peut-être qu’un picot d’acier lui pénétrât une fesse, provoquant ainsi un tençon qui fût devenu bataille. Ogier d’Argouges s’emplissait les yeux d’une scène qu’il n’eût jamais osé imaginer.
    – Je croyais voir Chandos, s’étonna le Breton.
    – Il a refusé de partir pour l’Espagne avec toi.
    Calveley souriait, satisfait d’avoir porté ce coup en sachant peut-être qu’il ne ferait pas plus d’effet sur Guesclin qu’une chiquenaude.
    – Eh bien, qu’il reste au chaud près du prince de Galles !
    – Il y a moult féaux du prince par ici : Eustache d’Aubrecicourt, Matthieu de Gournay, Perducas d’Albret, Robert Briquet, Jean Carsuelle, Lamit, le Petit-Meschin, le bourg Camus, le bourg de l’Esparre, le bourg de Breteuil, Batillier, Espiote, Aimenon d’Ortige, Perrot de Savoie…
    – Que Satan les salue et que Dieu les conserve à mon… à notre service.
    Puis, inopinément, le substitut de Charles V prit son élan :
    – Seigneurs, oyez, oyez, oyez ! Je viens céans de par le roi de France qui, pour sauver son peuple, voudrait volontiers faire tant, devers vous – je vous le dis au clair – qu’avec moi vous vinssiez où je voudrais aller. Je vous suis garant et je peux vous jurer que j’ai grande volonté de grever les Sarrasins, avec le roi de Chypre, que Dieu veuille garder, ou d’aller à Grenade.
    Le Breton, pour un coup, semblait choisir ses mots. Quant au roi de Chypre, c’était un

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