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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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mensonge éhonté que de laisser penser à ces malandrins qu’il pourrait s’accointer fût-ce à un seul d’entre eux.
    – Nous irons parmi les Espagne. Je le désire. Et si je pouvais y trouver le roi don Pedro, je le ferais courroucer volontiers afin de venger sa défunte épouse qu’il fit mourir on ne sait comment. En chemin, nous pourrons profiter de ce pays car il est bon pour mener les vivres. Il y a des vins qui sont friands et clairs et j’ai des compagnons qui brûlent d’y entrer : le comte de la Marche, le sire de Beaujeu et d’autres chevaliers qui comptent se peiner pour trouver les Sarrasins, que Dieu veuille grever ! Et si vous me voulez accorder ce fait, je vous ferai bailler et délivrer par le roi et compter devant vous deux cent mille florins.
    Il y eut quelques sifflets, des murmures. Des regards s’exorbitèrent comme si ce trésor était là, enfermé dans un coffre solide, ceint de fer et renforcé d’égrènes (519) . Et déjà, par l’esprit, les cagous, les ribauds, morpoils de toute espèce touchaient à ces florins. Ils les faisaient couler entre leurs mains puissantes. Ils les voyaient rouler et tinter sur la table, parmi les hanaps d’étain que certains heurtaient et coloraient de leurs reflets.
    – Continue, dit Huet, ton discours m’intéresse.
    Guesclin lui sourit longuement et reprit avec une sorte de voracité qui parfois rongeait quelques mots :
    –  Nous irons en Avignon où je saurai vous obtenir l’absolution de vos péchés.
    Il y eut dans la rumeur des malandrins une espèce de silence fait de stupéfaction et de merveillement : on allait les payer, soit. Mais les absoudre ! Se pouvait-il qu’ils eussent affaire à des alliés aussi généreux et naïfs ?
    – Et puis, reprit Guesclin, nous irons ensemble achever notre reze 202 . Je vous prie, pour Dieu, que chacun ait vouloir d’amender sa vie. Si nous voulions tous en notre penser, nous pourrions bien de vrai considérer que nous avons assez fait pour damner nos âmes. Vous pouvez même vous vanter d’en avoir fait plus que moi.
    – À peine, dit Calveley.
    Guesclin acquiesça et reprit :
    – Pour moi, je le dis, compères, je ne fis jamais bien qui me doive être compté ; je n’ai fait que du mal : gens occis et navrés. Et si j’ai commis des maux, vous pouvez bien accepter d’être mes compagnons et de me dépasser… Vous pouvez vous vanter d’avoir fait pis que moi !
    Paindorge se pencha vers Tristan et, à l’oreille :
    – On dirait par ma foi qu’il en a du regret !
    Et Guesclin reprenait bredi-breda, d’une voix plus acide :
    – Seigneurs savez-vous ce que nous ferons ? À Dieu ferons honneur et laisserons le Diable. Voyons comment nous avons usé la vie : efforcé dames et brûlé maisons, meshaigné puis occis hommes et enfants et mis tout à rançon ; comment nous avons mangé vaches, bœufs et moutons ; comment nous avons pillé oies, chapons et gelines (520) , bu vin et violé les églises et les couvents et fouti même les nonnains ! Nous avons fait pis que ne font les larrons. Les larrons robent pour leur nourriture ; pour nourrir leurs enfants. Sachez que celui qui est pauvre peut à peine être prud’homme dans ce siècle.
    – Arrête ! cria quelqu’un, tu vas nous faire pleurer !
    Il espérait un rire, voire une approbation de tous. Il ne provoqua qu’un silence, et Guesclin reprit :
    – Nous sommes pires que les larrons car nous meurtrissons les gens. Pour Dieu, amendons-nous ! Allons sus aux païens. Je vous ferai tous riches. En sus des deux cent mille florins, nous aurons les trésors de Pedro de Castille et des contributions sur les terres du Pape dans le Comtat ! Riches, je vous ferai, nous nous ferons riches si vous croyez mon conseil et nous aurons aussi le Paradis quand nous mourrons !
    Il y eut encore un silence dans lequel la voix du Breton sembla vibrer toujours. C’étaient les respirations de ces hommes ahuris par une proposition qu’ils connaissaient, mais qui venait d’être exprimée par le truchement du roi de France : un malan drin lui aussi, et qui l’avouait sans ambages. Ils étaient confrontés à une vérité qui les affriandait sans parfaitement les convain cre. Comme l’incertitude les clouait sur place, Calveley prit la parole :
    –  Sire Bertrand, dit-il sans rire, je te suis garant que jamais nous ne te ferons défaut et nous nous appellerons compagnons de foi. Jamais nous ne nous séparerons

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