Les foulards rouges
du grand
calife Hakim qui détruisit l’église du Saint-Sépulcre et le tombeau de leur
Christ. Car la Bête prendra alors visage d’ange et nul ne reconnaîtra l’Antéchrist
qui sera parodie diabolique de leur christ-roi. Et le Fléau en sa colère fera
pourrir sur pied nos ennemis tandis qu’ils se tiendront debout. Et il fera
pourrir leurs yeux tandis qu’ils regarderont la Bête aux traits d’un ange de
pureté et, quand ils lui parleront, leur langue elle aussi pourrira en leur
bouche qui psalmodia prières infâmes.
Le souffle de la femme devint plus précipité :
— Alors nous jetterons les prêtres en un
lac ardent embrasé de soufre et le règne de la Bête arrivera enfin pour l’éternité !
Bien qu’il s’efforçât à présent d’affecter de
sourire, l’Écorcheur, écoutant ces paroles venues de temps de sorcellerie très
reculés, avait éprouvé une certaine frayeur qu’il tenta de dissimuler.
Il se leva et applaudit longuement puis, s’approchant,
mit une main insistante sur les fesses rondes de madame de Montjouvent en
disant :
— Du plus bel effet, baronne ! Comme
votre beau cul !
Éléonor de Montjouvent croisa le regard de
Jehan d’Almaric. Le marquis fut touché. Il eut la révélation qu’elle ne croyait
pas un mot de tout ce discours diabolique, cherchant seulement à survivre par
ces pauvres artifices comme il comprit sa souffrance de ne pouvoir repousser la
main de l’Écorcheur, dont elle devinait la puissance, et qui palpait ses fesses
avec avidité.
Elle restait abattue tandis que son
tourmenteur lui soufflait :
— Belle dame, vous m’avez causé grande
frayeur, aussi ne puis-je vous foutre car ces deux états sont contraires et j’ai
foutu pucelle il y a peu mais mon cocher va chercher deux hommes forts…
D’Almaric comprit et, quoique surpris puis
choqué, alla quérir les deux officiers gardes du corps de l’Écorcheur qui, comme
à leur habitude, se tenaient devant la porte.
Les deux hommes, très étonnés, regardèrent la
baronne nue sous son voile noir transparent.
L’homme au masque d’argent frotta ses doigts
en son geste coutumier qui rappelait les pattes de mouche puis, s’asseyant dans
son fauteuil, il ordonna :
— Messieurs, elle est à vous. Donnez-moi
grand spectacle.
Le viol fut rapide et créa grande déception
chez l’Écorcheur qui ne fut point assez subtil pour comprendre la nature des
choses. Sachant qu’elle ne pouvait échapper aux deux officiers, la baronne ne
résista point, tout au contraire, et les violeurs, qui ne contrôlaient plus
rien, furent pris au plaisir qu’elle leur donna et libérés en un temps très
bref.
Écumant de rage derrière son masque d’argent, l’Écorcheur
obligea l’un d’eux à recommencer, péchant par sodomie, mais bien trop vite
encore tant la baronne – qui souffrit atrocement – feignit faussement de
prendre plaisir.
Vengeance de femme trop fine pour être
comprise d’un homme, fût-il pervers et retors tel l’Écorcheur.
Passant outre à sa déception, il fit signe aux
deux officiers qu’ils aillent quérir chose entendue entre eux.
Ainsi fut-il fait et, sur mauvais brancard
construit à la hâte, les deux officiers amenèrent le corps décapité d’une femme
à demi écorchée et dont on pouvait juger de la jeunesse à des signes qui ne
trompèrent point madame de Montjouvent qui, cependant, se détourna pour vomir
au grand amusement de l’Écorcheur :
— Eh bien madame, est-ce là tout le cas
que vous faites de la semence d’un de mes meilleurs officiers ?
Éléonor de Montjouvent jouait sa vie, et le
savait. Déjà, on l’avait violée de toutes les façons qui fussent imaginables. On
l’avait également couverte d’or pour la représentation ridicule qu’elle venait
de donner. Intelligente, comme bien déjà elle l’avait prouvé en les dramatiques
circonstances du viol, elle comprit qu’il n’était que deux attitudes possibles :
afficher son dégoût, c’est-à-dire sa totale réprobation, et mourir de la main
de ce fou. Ou sembler prendre plaisir à la cérémonie macabre qu’on allait sans
doute jouer, devenir une alliée en matière de grand vice et, perçue comme
complice, ne point exposer sa vie aux humeurs de l’Écorcheur.
Produisant grand effort qui n’échappa pas à l’attention
navrée du marquis d’Almaric, elle demanda d’un ton dégagé :
— Et que dois-je faire, seigneur, devant
telle charogne ?… Lui dire une
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