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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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pincées de soufre qui est condensation de la matière de feu.
    Cette femme elle-même devait avoir commerce
avec le diable car, la cinquantaine à peine, sa beauté stupéfiait. Le visage
tout de charme et de sensualité frappait dès le premier abord, les beaux yeux
noirs, les lèvres pleines et bien dessinées qui laissaient rêveur, les cheveux
noirs encadrant le visage d’une grande féminité.
    Et que dire de son corps !
    On le voyait parfaitement, totalement nu
derrière voile noir transparent : poitrine opulente et ferme, fesses rondes
et attirantes par leurs aimables fossettes, triangle sombre entre les cuisses
qui donnait à l’Écorcheur quelque envie de la prendre avec violence extrême.
    Il tenta de se souvenir de son nom, qui lui
revint brusquement : Éléonor de Montjouvent. À en croire d’Almaric, qui ne
se trompait jamais.
    Éléonor de Montjouvent. Cela sonnait bien à l’oreille,
et flattait l’envie de lui faire l’amour d’autant que cette baronne authentique,
veuve d’un spéculateur ruiné, se tenait très droite et paraissait trop altière,
trop hautaine, pour que l’homme au masque d’argent ne lui montrât point sa
nature de maître – ou qu’il croyait telle.
    Éléonor de Montjouvent ayant dressé la liste
des objets nécessaires à la cérémonie, l’Écorcheur s’empressa de faire acheter
ou fabriquer chacun d’eux.
    Le décor le ravissait.
    Partout, en plâtre grisé ou peint, ne se
voyaient que gargouilles répugnantes, animaux issus de croisements monstrueux
tels crapauds et scorpions, combats en les cieux entre armée de squelettes se
livrant bataille sans quartiers et bien entendu, en plusieurs endroits et
lettres de feu, le chiffre « 666 », qui est, comme on sait, le « chiffre
de la Bête ».
    « Naïf et amusant », songea-t-il.
    Il ressentait grande attirance pour cette
maison du petit village d’Auteuil et regrettait de ne la pouvoir conserver bien
longtemps, le marquis d’Almaric la jugeant trop proche de la route menant à
Paris. Dans un mois ou deux, trois peut-être, il faudrait encore changer d’endroit.
    Éléonor de Montjouvent leva les mains vers le
ciel en un geste très élégant et incantatoire qui la faisait sembler grande
prêtresse des cultes du temps jadis.
    Elle ferma les paupières et, d’une voix rauque,
légèrement voilée comme pour accentuer sa sensualité, murmura :
    —  Dies irae, dies illa… Salvet
saeculum in favilla [18] .
    Jehan d’Almaric, qui se tenait en retrait, éprouvait
grande excitation, lui aussi, pour cette femme qui lui inspirait nombreuses et
variées pensées amoureuses. Ainsi, en la regardant les bras dressés, eut-il
irrésistible envie de l’embrasser aux aisselles, chose fort rare qui traduisait
la force de son sentiment.
    Quelques tentatives, lors des premiers
contacts, pour faire comprendre à la belle baronne qu’elle pourrait gagner
davantage encore en lui offrant son corps ne rencontrèrent que profond mépris :
Éléonor de Montjouvent était certes tombée très bas mais ne se prostituait
point.
    Elle reprit, toujours de sa belle voix rauque :
    — Il surgira de terre des langues de feu,
les nuages couleront en invisibles sabliers géants, les dragons nous feront
escorte, la lune deviendra sanglante et ne se couchera plus, l’eau la plus pure
se transformera en armoise ; alors ce sera nombreux signes que la « Bête »
est revenue en rampant pour chasser de sa croix le Christ mille fois maudit.
    Elle baissa la tête, conservant ses bras
dressés et ses mains nouées, n’imaginant point sans doute la grâce de sa pose
et le désir de plus en plus fort qui venait aux deux hommes qui ne la
quittaient pas un instant des yeux.
    Elle reprit :
    — Il tombera pluie de sang en les églises
où les autels ruisselleront de vermeil et les ânes, bêtes impudiques, s’accoupleront
aux femmes. Alors nous vénérerons l’Antéchrist aux oreilles de chouette et aux
pieds de bouc et nous mêlerons en les couches corps de pucelles aux corps
pourris des vieillards sortis des tombeaux, car sera venu le temps de la Bête
de l’Apocalypse.
    Elle se tut un instant, comme épuisée puis, la
voix légèrement cassée :
    — Nos ennemis voudront redresser la tête.
Pour chasser la Bête, les flagellants parcourront le monde en tous sens pendant
trente-trois jours pour rappeler l’âge de leur Christ à l’instant de sa mort
mais le Fléau de Dieu sera le plus fort qui arma en l’an 1009 le bras

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