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Les guerriers fauves

Les guerriers fauves

Titel: Les guerriers fauves Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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bord.
    — Pourquoi es-tu parti de là-bas ? demanda le jeune homme.
    — C’est une longue histoire, fit Giovanni dont le visage s’assombrit.
    Puis, avec un sourire :
    — As-tu assez mangé ?
    — Ça oui.
    — Alors, je te propose d’aller dans un lieu plus raffiné que celui-ci. On y sert un hydromel digne des dieux.
    Après avoir réglé l’aubergiste, ils se levèrent en titubant et sortirent, se tenant par le bras pour marcher. Tancrède chantait à tue-tête :
    La sirène en mer hante
Contre tempête chante
Et pleure en beau temps,
Car tel est son talent {5} ...
    — Tu la connais ? demanda-t-il.
    Le Sicilien acquiesça et reprit en choeur avec lui :
    Et de femme a faiture
Jusques à la ceinture
Et les pieds de faucon
Et queue de poisson...
    Ils éclatèrent de rire et poursuivirent leur chemin, heurtant au passage un bourgeois qui les couvrit d’injures. L’air frais faisait tourner la tête de Tancrède comme un vin jeune. Il se sentait bien et aimait la compagnie du Sicilien. L’homme était vif, généreux, fantaisiste, s’exclamant à propos de tout, si différent de son taciturne maître, et puis, il venait de là-bas.
    Une première taverne les arrêta.
    — La Truie qui file ! s’exclama le Sicilien. Ils ont un cidre moratum  ! Viens, entrons juste boire un pichet !
    Puis une seconde :
    — La Licorne, bredouilla Giovanni. Tu peux pas venir à La Rochelle sans t’arrêter ici.
    Ils vacillaient en ressortant.
    — Tu bois bien, remarqua gravement le Sicilien. Allez, viens, c’est pas là qu’est l’hydromel dont je te parlais tout à l’heure.
    — Toi aussi, tu bois bien. Faudrait pas qu’on retourne au bateau ?
    — Pour quoi faire ?
    — Je sais pas, avoua Tancrède dont les idées s’embrouillaient.
    Le Sicilien lui donna une bourrade.
    — Tu es mon ami, déclara-t-il l’air grave, titubant sur ses jambes.
    — Toi aussi ! s’exclama le jeune homme. Et je te dois la vie.
    — Nous devons faire le serment du sang, fit le Sicilien en sortant son couteau et en s’entaillant le pouce d’un geste vif. À toi !
    Tancrède saisit le couteau et n’hésita pas. Le marchand appliqua sa plaie contre la sienne.
    — Maintenant, nous sommes frères de sang ! déclara-t-il. À la vie, à la mort ! Allez, viens, il faut fêter ça !
    Ils marchèrent un moment en silence, puis Giovanni reprit :
    — J’ai deux frères, c’est pire que les sept plaies d’Egypte. Quant à mon père... Il n’y a pas pire tyran que lui. On devrait pouvoir choisir sa famille, tu crois pas ?
    — Tu ne m’as pas dit pourquoi tu avais quitté la Sicile.
    — Pour être tranquille, tiens ! Mais non, pour la puissance et l’argent, bien sûr. Tu n’imagines pas ce que cela représente, ces cargaisons. Ma famille est une des plus riches de Syracuse, peut-être de toute la Sicile. Un jour, tu sais, mes navires iront là où personne n’est jamais allé. Et alors, je serai le maître... Même mon père devra s’incliner devant moi.
    Voyant l’expression de son compagnon, le marchand éclata de rire.
    — Nous, les gens du Sud, on parle trop et on joue la tragédie ! Pas comme toi ou ton maître. La tragédie !
    C’est pour ça que j’aime les Grecs. Ils ont tout compris de la nature humaine.
    Giovanni l’entraîna dans des ruelles étroites bordées de maisons de torchis. Il semblait connaître la ville comme sa poche.
    Devant un abri de bois flotté était assise une vieille femme aux vêtements en loques. Le visage noir de crasse, elle chantait une comptine :
    Pain d’épice. Ma nourrice. Tour de bras.
Nous y voilà.
    — Vous auriez pas une piécette pour une pauvresse, mes seigneurs ? fit-elle en tendant vers eux un moignon de main.
    Le Lombard lui jeta une pièce.
    — Merci mon seigneur. Merci.
    Dormille, dormait, Pendille, pendait...
    La voix se fit lointaine. Un forgeron frappait sur son enclume. Tancrède ne savait plus où il était.
    — Tu es déjà venu ici ? demanda-t-il alors qu’ils obliquaient dans une étroite venelle puant l’urine et les ordures.
    — Oui, plusieurs fois. D’abord avec mon frère aîné, ensuite seul. Pour nous, les marchands, La Rochelle est le plus gros port après Bordeaux. Mais, dis donc, tu n’as plus les jambes très fermes ! Moi non plus d’ailleurs, remarqua-t-il avec un nouvel éclat de rire. Heureusement, on arrive.
    Une robuste maison de pierre se dressait sur une placette où poussait un chêne vert.

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