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Les guerriers fauves

Les guerriers fauves

Titel: Les guerriers fauves Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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mieux sur ce bateau, malgré les dangers, qu’enfermée entre quatre murs dans le manoir de mon père !
    — Cela se voit. Mais vous ne devez pas oublier qu’un jour, nous arriverons en Sicile et alors...
    — Et alors, tout redeviendra comme avant. C’est là ce que vous essayez de me dire ?
    — Non. Cela ne sera jamais comme avant, fit-il gravement. Rien ne sera comme avant... Regardez tout en haut de la falaise, cette petite chapelle.
    — Vous avez l’art de changer le fil de la conversation, messire, remarqua Eleonor.
    — Un poète arabe, Bachâr ibn Burd, a dit : « Demeure seul, ou alors, si tu choisis l’amitié, accepte l’ami tel qu’il est. » C’est dans cette chapelle Notre-Dame de Finibus Terrae que les pèlerins de Compostelle achèvent leur voyage. Sur cette plage où nous allons bientôt accoster, qu’ils jettent symboliquement un vêtement à la mer ou brûlent leurs chaussures pour montrer que, par la grâce du pèlerinage, ils sont devenus des hommes nouveaux.
    — Alors je devrais, moi aussi, brûler mes chaussures sur cette plage, murmura Eleonor. Y a-t-il des femmes qui font le pèlerinage jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle ?
    — Cela arrive, et des enfants aussi, mais beaucoup laissent leur vie sur le chemin d’étoiles.
    — Messire Hugues.
    Elle avait baissé la voix.
    — Je voulais vous parler de Bertil.
    — Je sais que vous n’êtes pas d’accord. Mais il est trop tard. Bertil a accepté et je compte sur le mouillage de ce soir pour attraper notre homme. Depuis notre départ de La Rochelle, nous avons passé toutes nos nuits à bord, ce qui rendait impossible une tentative de sa part.
    — Mais s’il arrive quelque chose à Bertil ? Ce n’est qu’un enfant !
    — Il n’aimerait pas vous entendre ! remarqua l’Oriental. Lui qui veut tant prouver qu’il est un homme ! Et je vous jure que s’il arrive malheur à quelqu’un, ce sera à moi !
    Eleonor n’aima pas les dernières paroles de l’Oriental. Ces jours de mer les avaient rapprochés. Hugues s’était fait moins distant. Comment l’être, de toute façon, dans un navire où l’on se croisait continuellement ? Quant à elle, elle se levait le matin en pensant qu’ils allaient se voir et, sans chercher plus loin, elle y trouvait du plaisir.
    — Vous ne dites plus rien ? demanda Hugues au bout d’un moment.
    Eleonor se troubla. Comment lui expliquer qu’en fait elle craignait de le perdre ? Comment lui expliquer ce qu’elle ne comprenait pas elle-même ? Elle biaisa :
    — Et si vous vous étiez trompé ?
    — C’est vrai que, hormis la médaille, je n’ai guère de preuves, rien que des soupçons.
    — Pourquoi ne me dites-vous pas qui il est ? Je ne peux m’empêcher de dévisager les gens qui nous entourent, de les observer en dessous, d’essayer de déceler quelque indice dans les propos qu’ils tiennent...
    — Comme tout le monde à bord, Eleonor. Si je vous disais la vérité, vous ne seriez plus la même. Vous êtes trop... Comment dire ? Vive, transparente, pour garder un visage lisse en face de lui.
    La jeune femme haussa les épaules.
    — Vous avez peut-être raison. Mais alors, personne d’autre que vous ne sait qui il est, hormis le mousse. Songez que s’il vous arrivait malheur à tous deux...
    — J’ai laissé une indication que Tancrède comprendra, gravée dans la cire de ma tablette.
    — Vous pensez à tout.
    Il y avait une franche admiration dans sa voix. Hugues secoua la tête et, en la regardant, murmura :
    — Non, pas à tout.
    Puis plus haut :
    — Nous accostons, je vous laisse. Faites attention à vous et ce soir, promettez-moi de garder Tara attaché près de vous.
    Elle regarda l’élégante silhouette s’éloigner et caressa la tête du grand chien qui venait de la rejoindre et, les pattes avant sur le bastingage, aboyait après les marins qui avaient mis les canots à la mer.

52
    Bertil se glissa sous l’abri qu’il partageait avec le Bigorneau.
    — Ben, t’en fais une tête ! s’exclama ce dernier. T’es tout blanc. T’as mangé un poisson pas frais ou t’as bu ?
    — Non. Fais pas attention, c’est la fatigue. J’en peux plus.
    — Dors bien alors, fit le Bigorneau en s’enroulant dans sa couverture.
    Quelques instants plus tard, il ronflait.
    La tête en feu, le jeune Normand se tournait et se retournait sur sa paillasse. Il aurait donné beaucoup pour être à la place de son compère. Il se

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