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Les guerriers fauves

Les guerriers fauves

Titel: Les guerriers fauves Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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tête : « Qui vend le boeuf aussi fait le prix ! » C’est moi qui vends le boeuf et, en plus, le boeuf, c’est moi !
    Le gamin rassemblait ses idées. Hugues l’encouragea.
    — Continue, Bertil. Ta grand-mère avait raison, c’est à toi de dire le prix.
    — Vous savez d’où je viens, messire ? De la ferme des Roches, dans les hauts de Barfleur, c’est pas pour me plaindre, mais j’ai pas souvent mangé à ma faim. Ici, c’est mieux, mais j’vais pas rester toute ma vie à me faire secouer les os par la mer. Je voudrais bien, quand tout ça sera fini, devenir serviteur ou, peut-être même, si vous m’apprenez les armes, écuyer, qui sait ?
    La demande de l’enfant ne surprit pas l’Oriental. Il s’attendait à quelque chose de ce genre.
    — Tu sais ce que tu veux.
    — Et alors ? Vous en dites quoi de mon prix ?
    — Je ne sais si je ferai de toi un écuyer, un serviteur ou autre chose, mais je te fais promesse solennelle de te prendre avec nous quand nous serons en Sicile et de t’offrir une vie meilleure que celle que tu as connue jusqu’à présent.
    Le visage du gamin s’illumina. Il en avait presque oublié le terrible marché qu’il hésitait à accepter.
    — Alors, c’est d’accord ! s’écria-t-il.
    — C’est d’accord, répéta Hugues en frappant de sa paume celle du mousse.
    Ils restèrent un moment silencieux, chacun réfléchissant à l’accord qu’ils venaient de conclure.
    — Il te faudra faire en sorte qu’il te remarque. Tu devras lui tourner autour. Tu te souviens de ce que je t’ai expliqué ?
    Toute joie s’était brusquement effacée du regard de Bertil.
    — Vous ne m’avez toujours pas donné son nom...
    Hugues se pencha à l’oreille de l’enfant et lui murmura un nom. Les yeux de Bertil s’écarquillèrent.
    — Quoi ! s’exclama-t-il avant de jeter des coups d’oeil inquiets autour de lui. Mais c’est pas possible ! Vous êtes sûr ? Pourquoi y ferait ça ?
    — Nous le saurons peut-être quand tout sera fini.
    Le rouquin frissonna :
    — J’aime pas quand vous dites ça ! Et qui va me protéger en plus de vous ?
    — Tancrède et Bjorn.
    — Je voudrais bien ressembler à Bjorn, plus tard, quand je serai un homme.
    Il réfléchit et ajouta :
    — La damoiselle de Fierville, elle saura ce que je vais faire ?
    — Pourquoi me demandes-tu cela ?
    — Parce que j’aimerais bien qu’elle le sache.
    — Alors, je le lui expliquerai.
    — Comme ça, elle saura que je suis courageux ! J’suis presque un homme mais, après ça, j’en serai vraiment un, n’est-ce pas ?
    — Oui.

51
    Cinq jours maintenant qu’ils avaient quitté le port de La Rochelle. Le vent était régulier et les deux navires se rapprochaient de la terre. Après la traversée mouvementée du golfe de Gascogne, le pilote avait décidé de mettre le cap sur les confins de la Galice.
    Cette partie du pays était peu habitée. Çà et là apparaissaient de pauvres villages cernés de murets de pierre puis des à-pic rocheux où se fracassaient les vagues avec un bruit de tonnerre. Les récifs étaient nombreux et l’océan se parsemait d’écume blanche. Surnommé par les marins la Costa del Morte à cause des naufrages fréquents et des feux trompeurs allumés par les naufrageurs, le rivage était une succession de caps, de rias et de plages.
    Enfin, devant la proue, se profila l’impressionnante falaise du cabo Fisterra, le cap Finistère, la fin des terres des Galiciens. L’esnèque le contourna pour gagner l’abri d’une anse. À bord du knörr les marins s’étaient précipités, affalant la grand-voile et prenant leurs places sur les bancs de nage.
    — C’est singulier comme ces paysages ressemblent à ceux de la Bretagne, remarqua Eleonor qu’Hugues avait rejointe à l’avant.
    L’Oriental la regarda, se faisant la réflexion qu’elle avait changé depuis leur départ de Barfleur. Bien sûr, son pas s’était fait plus ferme, elle s’était habituée à la vie à bord et son visage avait bruni. Mais il y avait autre chose, elle possédait une assurance nouvelle, une curiosité chaque jour plus intense pour ce qui l’entourait et une liberté de parole qui n’était certainement pas la sienne au manoir de Fierville.
    — Pourquoi m’observez-vous ainsi ? fit-elle en sentant le poids de son regard.
    L’Oriental murmura :
    — Vous n’êtes plus la même.
    — Je me sens si bien ! avoua la jeune femme. Tellement

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