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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Québec, elle s’était trouvée soumise à son mari, une mineure dans les domaines économique et politique. L’idée d’engager le reste de sa vie lui donnait un vertige { certains égards délicieux. Toutefois, une erreur la placerait dans une situation difficile.

    Assise sur un banc du jardin des Gouverneurs, elle contemplait depuis de longues minutes une maison au recouvrement en brique beige, dans la rue Sainte-Geneviève.
    Construite au siècle précédent, elle affichait une élégance austère. Le mur donnait directement sur le trottoir, aussi on ne voyait pas un brin d’herbe. Heureusement, la petite place au centre de laquelle se dressait le monument dédié à Wolfe et Montcalm fournissait un agréable espace de verdure distant de moins de dix verges. Surtout, en descendant trente pas vers le sud, on arrivait directement sur la terrasse Dufferin.
    Cet emplacement se révélait près de tout: l’hôtel du Parlement, l’Université Laval, la Citadelle, le Château Frontenac. Cela assurerait la présence constante de personnes désireuses de se loger pour quelques jours, ou plusieurs mois.
    — Mais je ne sais rien faire ! se dit-elle.
    Ce constat revenait sans cesse la hanter. Plus de vingt ans plus tard, même sa formation d’institutrice devenait trop ancienne pour lui être utile. La jolie femme leva la main pour regarder la montre-bracelet à son poignet.
    Edouard lui avait offert ce bijou à son dernier anniversaire.
    Elle devait désormais gérer son temps en fonction de ses propres obligations, et non plus en s’ajustant constamment
    { l’horaire très chargé de Thomas.
    Cette pensée lui tira un soupir attristé. En se levant, elle murmura :
    — Autant rentrer pour le repas, cette maison ne va pas changer de place d’ici demain.
    Elisabeth emprunta la rue Haldimand jusqu’au chemin Saint-Louis. En quelques minutes, elle pourrait regagner la rue Scott.

    La répartition des passagers entre les deux voitures entraîna une brève discussion. Amélie entendait demeurer collée au jeune homme, soucieuse de donner libre cours à une inclination ressentie quelques années plus tôt. Si, en 1915, il lui avait bien fallu admettre être trop jeune, quatre ans plus tard, fière de ses dix-sept ans, elle clamait haut sa conviction d’être une femme.
    À la fin, l’autorité paternelle s’imposa. Elle monta avec son père et Marie. . Cela laissait le trio de jeunes gens dans le second véhicule. Thalie monta { l’avant, { côté du chauffeur, le couple
    se
    retrouva
    {
    l’arrière.
    Silencieuse
    depuis
    plusieurs minutes, Françoise glissa au moment où le taxi s’engageait dans la côte d’Abraham:
    — Le mieux serait que je regagne Rivière-du-Loup avec papa, demain. Je passerais l’été avec lui.
    — . . J’ai été aussi désagréable que cela ?
    La voix du jeune homme contenait juste assez de contrition pour amener sa compagne à protester bien haut.
    — Non, pas du tout.
    Elle marqua une pause avant d’ajouter :
    — Mais la situation n’est pas convenable.
    Deux mois plus tôt, elle s’inquiétait de la difficulté de vivre sous le même toit que son prétendant. La perspective de partager l’intimité d’un ex-promis lui paraissait plus pénible encore.
    — Si tu es lassée de la vie de vendeuse, commenta Mathieu, personne ne t’empêchera de reprendre ta liberté. Maman te paie exactement le prix d’une employée dotée de ton expérience, elle te remplacera sans essuyer de perte. Je comprends que pour une fille de député, cela puisse paraître indigne.
    — Ce n’est pas cela. J’aime beaucoup Marie, et m’occuper de la caisse, ou des clientes, vaut bien mieux que me morfondre dans une grande maison au milieu d’un petit village. Si papa espère condamner Amélie à ce genre de vie, cet automne. .
    — Dans ce cas, reste à Québec !
    Le visage morose du grand dadais jouait sur son humeur.
    Surtout, depuis des semaines, la culpabilité l’empêchait d’accepter la moindre sortie. Elle se dérobait même { l’idée d’aller prendre le thé au Château Frontenac avec Thalie. En réalité, dans l’appartement situé au dernier étage du commerce, chacun s’interdisait de sourire afin de ne pas blesser le grand écorché vif.
    Le jeune homme parut enfin comprendre son dilemme.
    — De toute façon, je compte aller vivre ailleurs.
    — Je partirai, affirma Françoise.
    — Libre à toi. De mon côté, je vais me trouver un logis où broyer mes idées noires

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