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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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présence dans la parade tenait sans doute { l’engouement d’un membre de la Société Saint-Jean-Baptiste pour ses charmes prolétariens.
    La cadette des Dubuc ne perdait aucune des paroles prononcées.
    — Tout de même, voir ce garçon passer devant toi n’a pas dû. .
    Françoise n’osa pas dire «améliorer ton humeur». Elle continua plutôt, après une courte hésitation :
    — C’était terriblement indélicat de sa part de se manifester ainsi en ta présence.
    Amélie s’appuyait un peu plus lourdement sur son bras gauche, remarqua Mathieu. La jeune fille venait de faire ses adieux définitifs au pensionnat des ursulines. Pour les deux ou trois prochaines années, son unique travail serait de dénicher un bon parti. Elle paraissait résolue { s’attaquer {
    cette tâche sans perdre une minute.
    — Je t’assure, il est tout { fait naturel que tu continues de voir ce jeune homme.
    Le garçon s’arrêta, car les cuivres de l’orchestre de la Garde Champlain perçaient les tympans. Les uniformes colorés s’éloignèrent un peu.
    — En réalité, je suis très heureux de te voir engagée avec ce banquier. Je me sens un peu moins coupable de promener ma face lugubre dans le commerce.

    Cette fois, Françoise ressentit un pincement au cœur.
    Jamais encore elle n’avait pensé être «engagée» avec Gérard. En présentant les choses ainsi, son compagnon ajoutait à la distance entre eux. Elle ne pouvait tout de même pas clamer: «Non, non. Je ne suis pas engagée, je suis incertaine. »
    A ce moment, Thalie choisit de se rapprocher afin de commenter le char sous leurs yeux :
    — Cette fois, ils entendent nous impressionner. Cela rappelle les affiches de recrutement, pendant la guerre.
    Sur la plateforme d’un camion, des ouvriers avaient réalisé une représentation évocatrice du fortin du Long-Sault, construit en rondins. Cinq hommes représentaient Dollard des Ormeaux et ses courageux compagnons. Le chef balançait un petit tonneau au-dessus de sa tête : le fameux baril de poudre responsable de la défaite face aux Iroquois.
    Pour ajouter au réalisme de la représentation, des adolescents affublés de costumes ridicules, des plumes de corneille sur la tête, couraient autour du camion en poussant des «hou hou» peu susceptibles de glacer le sang. Tout de même, ce rappel des ancêtres héroïques témoignait bien du rapport particulier avec le passé cultivé dans les collèges classiques, et communiqué à la masse du peuple par des commémorations de ce genre.
    — Je préférais encore l’affiche pour gagner des volontaires pour le régiment d’Olivar Asselin. Tu te souviens du soldat incroyable, à mi-chemin entre un zouave et un clown du cirque Barnum ?
    Au moment de ces événements, le frère et la sœur fréquentaient tous les rassemblements politiques, au grand désespoir de leur mère. La succession des drames survenus depuis donnait l’impression d’un passé lointain. Pourtant, trois ou quatre ans seulement s’étaient écoulés.

    Le dernier char allégorique portait le saint patron des Canadiens français. Un garçonnet aux cheveux blonds, bouclés, une croix blanche à la main, s’offrait { la contemplation des
    badauds.
    La
    vision
    de
    Jean-Baptiste
    enfant
    s’imposait dans l’imaginaire, plutôt que celle d’un adulte hirsute hurlant ses imprécations près des rives du Jourdain.
    Derrière ce char venaient encore les groupes musicaux de quelques collèges, affublés de costumes militaires de fantaisie. Après le dernier, la foule des spectateurs envahit la chaussée, pour se déplacer en direction du marché Montcalm. La municipalité avait prévu la présence de très nombreux tramways afin de déplacer toute cette populace vers le terrain de l’exposition, situé au nord de la rivière Saint-Charles.
    Comme Marie l’avait évoqué un peu plus tôt, les familles Picard et Dubuc préférèrent le confort des taxis, plutôt que de rester debout dans des transports publics bondés. Des voitures se trouvaient justement rangées près de l’Auditorium, dans l’attente de clients.

    *****
D’une certaine façon, au cours de sa vie, jamais Élisabeth n’avait pris une décision. Le décès de ses parents l’avait précipitée au couvent et la supérieure des ursulines assumait seule la responsabilité de son passage chez la famille de Thomas Picard. Pendant toutes les années subséquentes, en vertu des usages tout comme du Code civil de la province de

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