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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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entretenue.
    — Tu imagines combien je préférerais passer des soirées, et même des journées avec elle, à la place des moments volés, toutes les lumières éteintes.
    La confidence avait quelque chose de révoltant. Pourtant, la vieille dame attendit la suite sans broncher.
    — Je veux vous garder toutes les deux ici à cause des enfants. Je veux qu’ils te connaissent, qu’ils s’imprégnent de ton amour. Puis, tu as vu comme Jeanne s’occupe bien d’eux.
    Un peu { contrecœur, elle reconnut :
    — Elle a un instinct maternel très développé.
    — Celui d’Eugénie ferait honte { tous les animaux de la Création ! Je pourrais sans mal sortir notre domestique de la maison et me construire une existence bien confortable, comme certains de nos voisins, avec une épouse détestable à la maison et une maîtresse quelque part en ville. Mais je crains que les enfants, abandonnés à son influence, deviennent comme elle.
    La mère supporta sans broncher l’allusion à la vie dissipée de ces voisins. Le vieux notaire faisait parfois mention de testaments étranges, trahissant l’existence de deux familles parallèles.
    L’homme adopta un ton plus bas encore.
    — D’après ce que je sais, elle reproduit le comportement de sa propre mère. Tu imagines Béatrice devenir comme elle?

    L’image de l’angelot blond apporta un sourire contraint sur le visage de la grand-mère. Elle plaida encore:
    — Tu pourrais tout de même embaucher une nouvelle personne pour prendre soin des enfants.
    — Si j’avais la certitude de tomber aussi bien. . Mais les petits aiment Jeanne, tu le sais. Ce serait leur faire de la peine.
    Elle ferma les yeux, en proie à un violent débat intérieur.
    Vaincue, elle s’enquit enfin :
    — Que feras-tu si elle demande le divorce ? En vertu du Code civil, elle peut le faire. Avoir une maîtresse dans le domicile conjugal te donne tous les torts.
    Madame Dupire savait égarer ses yeux sur les codes de lois, elle aussi. Elle venait de bien résumer la loi québécoise.
    — Elle a un enfant qui traîne à la Basse-Ville. Son passé ne contient rien pour émouvoir les juges en sa faveur.
    — Cette situation ne durera pas éternellement. Moi-même, je peux mourir demain.
    Fernand lui adressa son meilleur sourire pour la rassurer.
    — Tu peux aussi mourir dans trente ans. À six ans, les petits pourront être pensionnaires dans un jardin d’enfants.
    Cela vaudra peut-être mieux pour eux que cette maison triste. Cette éventualité nous conduit en 1925 pour le plus jeune, Charles. Si la situation demeure intenable, ton exil
    { l’Hôpital général sera une solution.
    Elle hocha la tête. Six ans ! Cela lui semblait être une très longue peine.
    — Tu viens me reconduire à ma chambre? Je me sens écrasée par la vie, tout d’un coup.
    Le jeune homme lui offrit son bras pour l’aider { quitter le fauteuil. Ils progressèrent lentement dans l’escalier. À
    mi-parcours, elle demanda encore :

    — Si je reste ici, ne serait-il pas possible de m’installer une chambre au rez-de-chaussée ?
    — Sans doute pourra-t-on réaménager le bureau de papa, y ajouter une salle de bain privée.
    — Cela conviendrait très bien.
    Ce qui lui épargnerait de gravir ces marches quelques fois par jour et, avantage non négligeable, sa porte ne donnerait plus sur celle d’Eugénie.

    *****
Jeanne était assise sur les genoux de son patron. Elle tenait son visage entre ses deux mains et susurrait :
    — Comme tu as passé une journée affreuse ! Non seulement les funérailles ce matin, mais encore cette scène à l’heure du souper.
    Fernand lui avait confié en deux mots les récriminations d’Eugénie. Elle continua après avoir posé ses lèvres sur le début du crâne, dégagé par une calvitie précoce.
    — Cela me paraît d’autant plus injuste que madame Picard a toujours été très gentille, très tolérante à son égard, même si elle ne recevait aucune reconnaissance pour ses bons soins.
    — Au fond, plus sa belle-mère fait des efforts, plus elle réagit violemment. C’est vraiment étrange.
    Après avoir entendu la confession de Thomas, au mois de février précédent, Elisabeth avait affiché la plus grande commisération { l’égard de la jeune femme. Une agressivité plus grande récompensait cette attitude.
    Le couple s’égara dans un long baiser, les mains explorèrent des zones interdites au point de laisser chacun pantelant. En remettant de l’ordre dans ses

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