Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
l’as déj{ dit. Il s’agit de ton seul parent. Couper les ponts avec lui ne te servirait à rien.
    — Je ne vais pas couper les ponts avec Edouard, mais avec cette femme, ma belle-mère. Du vivant de papa, je la supportais pour lui. Maintenant, je ne veux plus contempler ses airs de douairière.
    Le jeune homme échangea un regard avec sa mère.
    Devenue veuve, celle-ci assumerait avec plus de réalisme encore sa ressemblance avec la reine Victoria à la fin de sa vie. Sans doute soulevait-elle la même rancœur chez la jeune femme.
    — Tu te rends compte : elle a hérité de notre maison !
    Edouard se trouve dépossédé de son bien.
    — Le testament de ton père respectait tous les usages.
    Cette maison où nous habitons tous les deux a aussi été transmise à la veuve. Nous sommes présentement les invités de maman.
    Le notaire eut envie d’ajouter: «Alors, dans les circonstances, demeure respectueuse. »

    Eugénie saisit l’allusion et continua un ton plus bas :
    — Ce n’est pas la même chose. Madame Dupire a été la seule épouse de ton père. Cette femme s’est immiscée dans la vie du mien de la pire des façons.
    — Cela suffit. Cette conversation souvent reprise ne nous conduit nulle part.
    — Je ne retournerai pas dans la maison de papa tant qu’elle y sera, conclut Eugénie, butée.
    Jeanne revint bientôt, une théière d’argent { la main. La jeune femme replongea dans son mutisme.
    Peu après le repas, plaidant la fatigue accumulée et le soleil cruel au cimetière Belmont, Eugénie quitta le salon familial. Rare accroc à sa fidélité au sherry, la vieille madame Dupire avait accepté un cognac afin de s’anesthésier un peu.
    Juste après que l’horloge eut sonné neuf heures, elle sortit de son silence.
    — Je me demande bien pourquoi Dieu m’a oubliée ainsi.
    — Sans doute parce que tu as encore des choses à accomplir ici-bas.
    — Je ne sers plus à rien.
    — Etre ma mère, ce n’est pas rien.
    Elle lui adressa un sourire amusé, le premier depuis quelques jours. Après un long silence, elle consentit à révéler le projet forgé dans son esprit depuis le matin.
    — Je pense { me retirer chez les religieuses de l’Hôpital général.
    Si cette institution de la Basse-Ville, sise tout près de la rivière Saint-Charles, recueillait parfois des personnes âgées indigentes, elle recevait aussi, contre une généreuse contribution, des femmes de bonne condition désirant mener une vie de prière et de recueillement. Cela revenait { s’enterrer vivante, entre une cellule confortable, les jardins et une chapelle, un chapelet toujours à la main.
    Femand demeura songeur un moment, avant de plaider:
    —Je te demande de ne pas le faire. Par amour pour moi.
    — Tu l’as entendue au souper. Dans un mois, elle me reprochera de posséder cette maison. Déjà, elle regrette sans doute de ne pas m’avoir vu descendre dans le même trou que ton père, ce matin.
    — Reste ici, justement { cause d’elle.
    La vieille dame contempla son fils. A la fin, elle se força à exprimer le fond de sa pensée.
    — Tu sais, ta situation ne me plaît pas. . avec Jeanne. Je sais que tu as des raisons. Je ne te fais pas de reproche, je ne te juge pas, mais cela me trouble. En la gardant dans la maison, tu amplifies ta faute. Ta femme pourrait s’adresser aux tribunaux. . Imagine la honte.
    — J’ai décidé de ne plus avoir honte. Après la grippe, je me suis dis que cela ne valait pas la peine de ruiner le reste de ma vie. Je tiens aux quelques petits bonheurs se trouvant encore à ma portée.
    — Pour moi, c’est inacceptable.
    Un moment, la veuve eut envie de lui parler de la nécessité, pour chacun, de porter sa croix. Puis, dans un soupir, sa rectitude morale s’effrita. Elle en vint { la véritable cause de son désir de s’en aller.
    — Eugénie apporte dans cette maison une atmosphère insupportable. Même enfermée dans sa chambre, sa présence demeure oppressante.
    — Pour cette même raison, je veux te garder ici et je désire aussi conserver Jeanne à mon service.
    Son interlocutrice ouvrit de grands yeux incrédules.

    — L’Hôpital général te fournirait un cadre de vie serein et quiet, reconnut Fernand. Jeanne pourrait sans difficulté aller travailler ailleurs. Je pourrais même la loger en ville à mes frais et voir à ses besoins. Nous nous verrions tous les deux jours.
    Sa mère se raidit devant une allusion aussi explicite à une maîtresse

Weitere Kostenlose Bücher