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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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vêtements un peu mis à mal, la domestique
    revint
    sur
    leur
    premier
    sujet
    de
    conversation :

    —
    Ce matin, j’aurais aimé être aux funérailles. Monsieur a toujours été très bon. Puis, même en me tenant debout à l’arrière de la nef, j’aurais été avec toi.
    — Tu m’as manqué aussi.
    La cruauté de leur situation se révélait dans des moments de ce genre. Alors que chacun se languissait de la chaleur, de la tendresse de l’autre pour mieux passer { travers des instants difficiles, ils devaient s’ignorer totalement. Ils gardaient leurs distances plus soigneusement encore que les domestiques et les maîtres dans les autres maisonnées, car le moindre geste pouvait les trahir.
    — Mais il fallait bien quelqu’un pour s’occuper des enfants, continua l’homme après avoir reboutonné sa braguette. A leur âge, les exposer à une cérémonie de ce genre les aurait troublés pour rien. Comment prennent-ils la chose ?
    — Cela dépend. Antoine demeure bien sceptique devant cette histoire de grand sommeil. Il me demande sans cesse :
    « Si pépère dort, il va finir par se réveiller, non ? »
    L’aîné aurait bientôt quarante mois. Certaines des affirmations des
    adultes
    méritaient
    déjà
    un
    examen
    minutieux
    de sa part.
    — Béatrice et Charles ne se sont rendu compte de rien.
    A leur âge, c’est normal.
    Surtout, Fernand avait pris soin d’éviter { ses enfants la vue du corps de leur grand-père, placé en chapelle ardente dans le salon pendant deux grandes journées.
    Jeanne passa à une autre de ses préoccupations.
    — Crois-tu cela réaliste, aménager une chambre en bas pour ta mère ?
    — Ce qui ne serait pas réaliste, c’est de lui demander de monter et de descendre cet escalier plusieurs fois par jour.

    Comme je désire la voir demeurer ici encore quelques années, je n’ai pas le choix.
    — Mais cela te laissera un bien petit bureau pour recevoir tous tes clients { l’avenir. Puis l’espace ne paie pas de mine.
    Ces questions aussi faisaient l’objet des confidences de l’employeur. Il se surprenait de la voir comprendre très bien les enjeux liés à ces réaménagements.
    — Pour tout de suite, je me contenterai de ma petite pièce. Toutefois, je serai peut-être obligé de me louer un espace en ville.
    — . . Cela me fera de la peine de ne plus te savoir pré-
    sent dans la maison.

    Chapitre 9

    La grande maison de la rue Scott paraissait étrangement morose depuis la mort de Thomas. Elle appartenait maintenant de plein droit à Edouard. Le contrat signé reposait dans le coffre de l’étude Dupire, l’argent de la transaction dans le compte en banque de sa mère. Pour payer le coût de la propriété, le jeune homme avait liquidé le portefeuille d’actions de son paternel. Le solde lui avait permis d’acquérir une voiture Ford toute neuve.
    A l’heure du souper, l’absence de l’ancien maître de la maison se faisait cruellement sentir. Son fils avait beau occuper le bout de la table, il ne comblait guère le vide laissé par son prédécesseur. Sa femme Evelyne prenait place à sa droite, sa mère à sa gauche. La première lui faisait grise mine depuis plus de vingt-quatre heures, tellement son enthousiasme à rejoindre Elise la veille, au cimetière, lui paraissait suspect.

— Je te l’ai expliqué déj{, c’était une amie de ma sœur, répéta-t-il afin de la faire sortir de son mutisme. Je ne suis jamais sorti avec elle.
    Devant le mensonge, Elisabeth préféra se perdre dans la contemplation de son repas. Un vendredi, le poisson revenait nécessairement au menu. En 1908, le garçon avait paru fort intéressé par la demoiselle Caron. «Non, se corrigea-t-elle bien vite. Il paraissait fasciné par le jeu de la séduction. Elle, de son côté, semblait disposée à lui abandonner son cœur. »

    Evelyne ne se montra pas dupe :
    — Ce serait vraiment étonnant. Mes conversations avec les voisines témoignent de ton intérêt pour tout ce qui portait un jupon à la Haute-Ville. Si tu dis vrai, cette pauvre fille était bien la seule sur qui tu levais le nez. Pourtant, elle ne m’a semblé ni borgne ni bancale.
    — Et même si cela se trouvait, { l’époque nous étions tous les deux célibataires.
    — Mais tu ne l’es plus. Entends-tu les pleurs dans la pièce à côté ? C’est ton fils.
    Le jeune homme laissa échapper un soupir étouffé, décida de se concentrer sur le souper pendant les minutes à venir, sans se soucier

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