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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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répétée si souvent avec ton père. La revivre de cette façon me chavire toujours un peu.
    — . . Préférerais-tu aller dans une autre pièce ?
    — Non, ce n’est pas la peine. Ce ne sont pas des souvenirs désagréables, au contraire. Mais je demeure tout de même troublée dans ces lieux familiers.
    Le garçon hocha la tête, prit le temps de se verser un cognac avant d’aller occuper le fauteuil placé de l’autre côté du foyer.
    — Tu tiens à quitter la maison afin de t’éloigner de ces souvenirs ?
    — C’est certainement l’une des raisons.
    — Cette décision me bouleverse. Je comprends ton désir de vendre la résidence, de ne plus assumer cette responsabilité.
    Mais nous avons de la place, tu pourrais conserver la chambre des maîtres, y aménager un nid à ta convenance.
    Elisabeth trempa ses lèvres dans son verre, puis entendit clarifier la situation.
    — Ma présence nuit à tes rapports avec ta femme.
    — Voyons ! Au contraire. .
    — Elle permet d’éviter des scènes plus désagréables encore que
    celle
    de
    ce
    soir,
    j’en
    conviens.
    Toutefois,
    elle vous empêche de vider la question. Parlez-vous, mettez fin à votre différend, sinon vous vous construirez une existence malheureuse pour les cinquante prochaines années.

    Le jeune homme se renfrogna un peu. Ce « différend », c’était bien sûr la présence d’une maîtresse avant, et pendant les premiers mois qui avaient suivi le mariage. Il se demandait encore comment la rumeur avait atteint les oreilles de son épouse. Parfois, la pensée que sa sœur avait peut-être agi comme messagère le mettait en rage.
    — Elle n’a rien { me reprocher. Je suis tous les soirs { la maison à éplucher les dossiers de papa. Prendre la relève n’apparaît pas si simple.
    — J’en conviens, depuis le service funèbre de Thomas, tu as été ici presque tous les soirs.
    Le garçon rougit un peu, tellement le sous-entendu demeurait explicite : non seulement cette vertu était toute nouvelle, mais elle ne durerait pas éternellement.
    — Je suis très sérieuse, tu sais. Evelyne doit se sentir la maîtresse de cette grande maison. Aussi longtemps que je serai là, elle ne le pourra pas.
    — Tu serais très bien ici, sans aucune responsabilité, sauf peut-être prendre soin de Junior.
    — Mais te rends-tu compte de ce que tu dis ? Ce garçon est votre fils à tous les deux, et moi, par le sang, je ne suis même pas sa grand-mère.
    Edouard parut blessé, comme si ces paroles constituaient une trahison. Elle voulut tempérer le reproche en reprenant d’une voix plus douce :
    — Evelyne doit reprendre sa place auprès de lui, tout comme elle doit la reprendre auprès de toi.
    Le silence domina la grande pièce lambrissée de noyer pendant un long moment. A la fin, son interlocuteur céda.
    — Soit, nous devons demeurer seuls. Evelyne me l’a tellement seriné au moment où papa vivait encore. Elle me servait l’exemple du couple de Louis Lavigueur, dans sa petite maison de la rue Saint-Jean. Mais tu pourrais trouver un appartement près d’ici.
    Dans le Chronicle, j’ai vu quelque chose de très bien rue Haldimand.
    — C’est en effet un joli quartier.
    Elisabeth sourit en songeant à la maison de la rue Sainte-Geneviève, située tout près.
    — Cette idée de tenir une maison de chambre me paraît si. .
    Le jeune homme hésita sur le mot « démente », se rabattit sur :
    — Saugrenue.
    — Je ne resterai pas à tricoter au coin du feu pendant les vingt prochaines années. J’ai la chance d’avoir un petit capital, j’entends le faire fructifier.
    Elle marqua une pause avant de préciser, un sourire narquois sur les lèvres :
    — Cela devrait te réjouir, tu hériteras de ma fortune avec Eugénie.
    — Mais tu n’as jamais travaillé, tu ne connais rien aux affaires.
    La femme encaissa le choc. Soucieuse de bien maîtriser sa voix, elle attendit un moment avant de répondre.
    — Nous aurons donc des choses à apprendre tous les deux, au cours des prochains mois. Moi à mener une affaire, toi à réussir un mariage. Nous donnons-nous tout de suite rendez-vous en janvier 1920, afin de comparer nos résultats ?
    Ce fut au tour de son interlocuteur de demeurer un moment interdit.
    — Je m’excuse, bafouilla-t-il, je ne voulais pas te blesser.
    — Moi non plus. . Toutefois, j’étais sérieuse. Nous avons tous les deux beaucoup à faire.
    Au moment où la femme fit mine de se lever, Edouard déclara, un sourire

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