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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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jour. Nous devons nous rendre à Ottawa en soirée.
    — Sais-tu de quel côté ils pencheront?
    — ... Les gens parlent en termes plutôt élogieux de William Lyon Mackenzie Ring.
    Lavergne demeura un moment songeur.
    — Ce gars ressemble à mon commis, à la Banque Nationale.
    Puis son nom interminable ne rentrera pas sur le bulletin de vote.
    — Il représente la nouvelle génération. Les libéraux apprécient surtout le fait que pendant toute la guerre, il est resté fidèle à sir Wilfrid.
    L’argument mit Lavergne de mauvaise humeur. Cet Ontarien prétendait aussi au titre de fils spirituel du grand homme.
    — Il ne peut en tirer aucun mérite, précisa le visiteur.
    Pendant la guerre, il se trouvait aux Etats-Unis.
    — Les Canadiens anglais lui reprochent justement cette absence. Le bonhomme est célibataire. Demeuré au Canada, les pressions se seraient multipliées sur lui pour l’amener {
    s’enrôler. Mais la méfiance de nos compatriotes d’une autre origine le rend encore plus sympathique aux nôtres.
    Après la remarque sur l’état de son ménage, l’hôte se plaisait à multiplier les coups de griffe.
    — J’ai entendu parler de l’enthousiasme délirant de Louis-Alexandre Taschereau lors de sa visite à Québec, juste avant la mort de ton père : « Si vous ne trouvez pas de comté en Ontario, Québec vous en offrira un. »
    L’avocat imitait assez bien la prononciation un peu nasillarde du député de Montmagny.
    — Ce ne sont pas ses mots exacts, mais tu traduis bien le sens de ses paroles.
    — De quel comté parlait-il ?
    — A ce que je sache, un seul est vacant au Québec.
    — Voyons, ce bouffon ne peut pas se présenter dans Québec-Est. Les Canadiens français ne l’accepteront jamais.
    Un doute pointait dans le ton de Lavergne. La menace lui paraissait assez sérieuse pour affecter son humeur.

    *****
Édouard Picard se présenta dans l’une des salles du Château Frontenac en affichant une mine préoccupée. Il passerait toute la semaine, ou presque, sans se présenter à son commerce, quand les affaires restaient difficiles. Pareille dérobade l’inquiétait un peu.
    Il trouva une vingtaine de personnes autour d’une grande table. Les élites libérales de la région étaient bien représentées. Il occupa le dernier siège disponible.
    Le maire Lavigueur se tenait dans le fauteuil d’honneur.
    Premier magistrat de la ville et député au Parlement, il lui revenait de diriger les discussions. Pendant une bonne heure, la conversation porta sur les caractéristiques respectives des
    divers
    candidats
    connus.
    A
    la
    fin,
    Charles
    « Chubby » Power demanda d’une voix gouailleuse, avec un lourd accent :
    — Finalement, qui allons-nous appuyer ?
    — Certainement pas un Canadien français, ricana un industriel de la Basse-Ville.
    Nous savons tous pourquoi, répondit Power.
    Le sujet ne se discutait même pas. Laurier avait dirigé le parti plus de trente ans. Un autre francophone ne pouvait lui succéder. La place revenait { un Canadien d’une origine différente.
    — King me paraît le meilleur, déclara Louis-Alexandre Taschereau.
    Pourtant, le ton du député de Montmorency sonnait un peu faux.
    — Je suis aussi de cet avis, renchérit Edouard. Il n’a jamais abandonné Laurier, il ne s’est pas enrôlé pendant la guerre.
    Cet homme ne sera pas le jouet des impérialistes. Si ces derniers se méfient de lui, cela me le rend sympathique.
    Taschereau lui adressa un sourire amusé. Le marchand avait côtoyé ses fils dans les activités de la mouvance nationaliste.
    Il affectait une tolérance de bon aloi pour ces jeunes gens enthousiastes. Un jour, il trouverait là des alliés pour réaliser certaines de ses ambitions politiques.
    — Mais King n’a aucun appui dans les Maritimes, encore moins en Ontario ou dans l’Ouest, analysa Arthur Lachance.
    Nous risquons de gaspiller nos votes.
    — Au premier tour, chaque région soutiendra un candidat, expliqua Lavigueur. Personne n’aura la majorité. Les partisans du candidat éliminé se rallieront { d’autres.
    Comme toujours dans un exercice de ce genre, la victoire ira à celui qui représente le meilleur second choix pour le plus grand nombre de personnes.
    — Fielding risque de passer au premier tour, analysa un autre. Alors, nous serons bien embêtés.
    Pendant une heure encore, ces militants se penchèrent sur le déroulement du vote qui aurait lieu trois jours plus tard. Edouard consulta sa montre à

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