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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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plutôt que l’abandonner toutes ces longues journées près de la gare.
    —Je te remercie de cette délicate attention, répondit son épouse d’une voix un peu fâchée.
    Elle avait d’abord protesté { l’idée de le voir s’absenter plusieurs jours pour aller assister à un congrès politique.
    Les membres de sa famille lui avaient rappelé que des centaines de personnes discuteraient du matin au soir du programme du Parti libéral. Cela laisserait à son époux bien peu de temps pour faire un nouvel accroc à leur contrat de mariage. Surtout, peut-être, un an après la disparition de la première, aucune nouvelle Clémentine LeBlanc ne paraissait meubler le côté secret de son existence.
    — Je t’assure, répéta-t-il pour la dixième fois peut-être, tu n’aurais aucun plaisir { m’accompagner. Ils m’ont logé dans un minuscule hôtel, et les débats vont s’étaler sur quinze ou seize heures tous les jours.
    La jeune femme avait parcouru le programme attentivement, il disait vrai. Aussi elle offrit finalement sa joue à ses lèvres d’assez bonne grâce.
    — Au revoir, déclara-t-il en se redressant. Je reviendrai dès que possible.
    Elle hésita à peine avant de lui répondre :
    — Bon voyage.
    L’homme saisit son fils dans ses bras, le souleva { la hauteur de son visage pour lui appliquer des bises sonores sur les joues.
    — Sois sage, petite terreur, et essaie de ne pas manger tous les livres de la bibliothèque.
    L’enfant lui répondit par une série de sons incompréhensibles.
    Un instant plus tard, Edouard récupérait son sac de voyage préparé depuis la veille et sortait de la chambre en lançant un «A bientôt, mes amours» à la ronde.
    Il trouverait sans mal un taxi sur la Grande Allée. Cela lui permettrait d’atteindre la gare juste { temps pour se joindre à la très imposante délégation libérale de la ville de Québec. Ces hommes voyageaient ensemble afin de manifester leur force.

    Chapitre 16

    Depuis des décennies, des expositions agricoles se tenaient au parc Lansdowne, un vaste terrain situé en périphérie d’Ottawa, entre le canal Rideau et la rue Bank.
    Au fil des ans, des bâtiments voués { l’élevage ou { l’horticulture s’étaient élevés en ces lieux. L’érection du pavillon Aberdeen, en l’honneur du gouverneur général, en 1898, avait assuré une ampleur nouvelle aux foires annuelles qui s’y déroulaient. Spontanément, la population l’avait désigné d’un sobriquet, le «palais bovin», un rappel très clair de sa vocation première. En 1904, l’équipe de hockey des Senators y remportait la coupe Stanley: cela avait redonné un peu de prestige { l’édifice.
    — Nous aurions dû nous réunir là, fît Edouard en contemplant le vaste bâtiment.
    — Trop cher et inutilement grand, rétorqua son compagnon, un homme à la stature imposante.
    Ernest Lapointe lui faisait visiter les lieux. Les deux congressistes se trouvaient dans la capitale fédérale pour assister à une première dans l’histoire du pays : la désignation d’un chef de parti par des délégués venus de divers comtés. Des mois après le décès de sir Wilfrid Laurier, il convenait de remplacer le grand homme.
    — Mais la bâtisse retenue s’est écrasée deux fois sous le poids de la neige, protesta le marchand.

    — En août, nous n’avons rien { craindre { ce sujet.
    Le pavillon Howick rappelait un autre gouverneur général, Stanley. Le nom venait de son château en Angleterre. Le jeune homme décida d’arrêter l{ ses récriminations. Pourtant, à cet
    endroit,
    pendant
    l’exposition
    d’hiver
    de 1914, l’explosion d’une chaudière { vapeur avait tué trois hommes, vingt chevaux et six cents volailles.
    Edouard Picard ne succédait pas à son père dans les seules activités commerciales. Avec un peu de réticence d’abord, puis pris d’un enthousiasme croissant, Ernest Lapointe en avait fait son principal organisateur politique dans le comté de Québec-Est. La situation apparaissait toutefois comme bien étrange : le politicien, très discret sur ses projets, représentait toujours Rivière-du-Loup à la Chambre des communes et l’élection partielle n’avait pas encore été déclenchée.
    Les deux hommes arboraient au revers de leur veste un ruban de soie écarlate portant les mots « Convention libérale nationale, Ottawa, les 5, 6, 7 août 1919». Cela leur permettrait de prendre place dans le grand édifice et de participer à la

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