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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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choix devra convenir au nouveau chef.
    Pour appuyer son argument, il déclara encore :
    — Et le nouveau chef devra aussi convenir au candidat.
    Imagine si les délégués préféraient Fielding. Jamais tu ne pourrais servir sous ses ordres.
    Ce candidat à la succession de Wilfrid Laurier avait quitté son parti en 1917 pour aller siéger avec les conservateurs au sein du gouvernement d’union, car il appuyait la conscription de tout son cœur.
    — Si j’apportais { Fielding soixante députés du Québec, il ne demanderait pas mieux que de m’avoir dans son équipe.
    Et avec soixante députés, j’obtiendrais de lui des mesures favorables à notre race.
    Voilà que son ami revenait au vieux rêve de répéter le tour de force de George-Etienne Cartier: négocier un partage de pouvoir avec un chef de langue anglaise.
    L'opération pouvait sans doute se reproduire, mais Edouard imaginait mal son vieux mentor dans le rôle de guide de la faction canadienne-française.
    — Tu pourras proposer cela au vainqueur, quand son nom sera connu. En attendant, nous sommes tous dans l’expectative.
    — Ne me raconte pas de fables. Oscar Drouin se promène partout en rêvant tout haut de porter le flambeau abandonné par le grand homme.
    — Mais notre ami Oscar peut prétendre ce qu’il veut, cela n’engage personne. D’ailleurs, il n’est pas le seul dans ce cas. Arthur Lachance affiche la même prétention.
    — Le substitut du procureur général ?
    Edouard donna son assentiment d’un geste de la tête.
    Cet homme avait été élu au Parlement une première fois en 1905. En 1917, candidat dans Québec-Centre, il avait accepté de se retirer pour céder sa place à un jeune Irlandais prometteur, Charles «Chubby» Power. Cet homme entendait succéder à son père, titulaire de ce siège. De plus, ancien joueur étoile de l’équipe de hockey des Bulldogs, vétéran réformé après avoir été blessé à la bataille de la Somme, récipiendaire de la Croix militaire, fidèle à Laurier, tout plaidait en sa faveur.
    Le geste de Lachance envers de Power demeurait dans les mémoires, le Parti libéral avait maintenant envers lui une dette d’honneur.
    — Tu as déjà vu cet avocat sur une estrade ? ricana Lavergne. Sa voix ne va pas plus loin que sa grosse moustache. Il fera bâiller l’auditoire.
    — Pour ça, tu as peut-être raison. Jamais les discours enflammés de Lachance n’auraient convaincu une foule de se lancer { l’assaut du journal L’Evénement. Mais parfois, justement, ce genre de talent devient une nuisance. .
    Le visiteur allait protester avec vigueur quand un cognement se fit entendre à la porte de la bibliothèque. Evelyne entra sans attendre d’y être invitée et s’avança avec son fils dans les bras.
    — Je ne voulais pas aller le coucher sans te permettre de lui dire bonsoir..
    Elle s’interrompit, contempla le visiteur des pieds { la tête et ajouta sans conviction :
    — Je vous demande pardon, monsieur Lavergne. Je suis désolée de vous interrompre.
    — Madame, je m’en voudrais de priver mon ami d’une satisfaction domestique aussi douce.
    L’ironie pointait dans sa voix. Par déférence, il s’était levé { l’entrée de la maîtresse de maison, sans oser toutefois lui tendre la main. Edouard posa des bises sonores sur les joues du petit Thomas, puis le chatouilla un peu.
    — Tu ne vas pas te coucher trop tard ? demanda Evelyne.
    Son ton ne laissait pourtant pas soupçonner qu’elle se languissait de le voir regagner sa couche.
    — Bien sûr que non.
    — Monsieur Lavergne, dit-elle en s’inclinant pour le saluer.
    — Madame Picard, répondit-il.
    Quand la porte se ferma sur elle, en reprenant son siège, l’avocat commenta :
    — Je comprends maintenant mieux ta belle-mère.
    Edouard rougit un peu sous la remarque gouailleuse. Ce genre de pique ne ferait pas de lui un très bon émissaire auprès du comité libéral de Québec-Est.

    — Si je ne peux pas compter sur toi pour déclarer mes intentions, continua-t-il, dis-le-moi franchement. Je saurai bien me manifester auprès de ces messieurs.
    Je le ferai, pas plus tard que demain. Je dois les rencontrer au Château Frontenac.
    La confidence attirerait sans doute l’avocat dans les couloirs du grand hôtel; il collerait son oreille à toutes les portes pour saisir des bribes de conversation.
    — Je suppose que la réunion portera sur le choix du nouveau chef?
    — Nous n’avons rien d’autre { l’ordre du

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