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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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fois au choix des différents éléments du programme et du nouveau chef. Des hommes se promenaient avec une version de couleur rose de cette parure : il s’agissait des journalistes venus de tous les coins du pays.
    Dans la grande salle, en même temps que des centaines d’autres, ils découvrirent un décor solennel. Le mur le plus éloigné de l’entrée s’ornait en son centre d’une immense photographie de Wilfrid Laurier, flanquée des Union Jack habituels et de drapeaux portant l’écu du Canada. Ceux-là étaient disséminés un peu partout dans ce hall. De façon incongrue, afin de reconnaître le poids des francophones au sein de l’organisation, des drapeaux français se trouvaient aux deux extrémités de la scène.
    — Le
    Carillon-Sacré-Cœur
    me
    semblerait
    convenir
    mieux, glissa Edouard.
    — Les nationalistes en ont fait leur chiffon de prédilection, on le trouve aussi en toile de fond de toutes les manifestations religieuses. Nous ne pouvons plus nous en servir, le symbole appartient désormais aux soutanes.
    Dans ces moments, le jeune marchand ressentait souvent un petit pincement. Pendant plus de dix ans, son cœur avait battu pour Henri Bourassa et ses disciples. La très large majorité des jeunes de sa génération faisaient maintenant comme lui : désireux de faire carrière, soucieux de gravir les échelons, on les retrouvait au sein du Parti libéral. Oh ! Bien sûr, Armand Lavergne tirait toujours à boulets rouges sur la grande organisation politique. Il en devenait ridicule. On ne parlait plus d’Empire ou de conscription, mais de la nécessité de réussir la paix, après avoir gagné la guerre.
    Des tables couvertes de nappes blanches s’alignaient sur le plancher de la grande salle, des bouquets de fleurs donnaient à l’ensemble un air de fête champêtre. Sept ou huit cents hommes et une poignée de femmes occupaient la moitié des chaises.
    — Nous ne serons jamais au complet, grommela le député de Rivière-du-Loup.
    — Les gens se préoccupent surtout de l’élection du remplaçant de Laurier, et beaucoup moins du programme, commenta Edouard. Il y aura plus de monde demain, je suppose.
    — Pourtant, le programme nous fera gagner l’élection.
    — Le choix du chef fera gagner l’appui du Québec, pas les idées. Pour le reste du Canada, je ne sais pas.
    De nouveau, Lapointe apprécia le discernement de son nouvel organisateur. Après un homme du charisme de Laurier, ses compatriotes ne se contenteraient pas d’un personnage terne. Ou alors, ils toléreraient un Canadien anglais bien rassurant, peut-être ennuyeux, si celui-ci se flanquait d’un lieutenant de langue française rassembleur.
    Il rêvait d’être celui-là.
    Au lieu d’évoquer ses propres ambitions, le politicien rappela la stratégie à son compagnon.
    — Nous rallierons l’Ouest { notre parti en promettant des tarifs douaniers bien bas et la nationalisation du second chemin de fer transcontinental.
    — Sans toutefois offrir autant que le libre-échange pour ne pas perdre l’Ontario, je sais.
    Lapointe éclata de rire. Le jeune marchand savait lire les journaux aussi bien que quiconque, inutile de lui faire la leçon.
    — Allons rejoindre nos amis.
    Le terme désignait les membres du Parti libéral originaires du Québec. La délégation, composée des députés élus tant au Parlement fédéral qu’{ l’Assemblée législative et des membres des comités de divers comtés, dépassait sur papier les quatre cent soixante personnes. Il s’en trouvait un peu moins de trois cents du côté gauche de la scène.
    —J’espère que vous avez raison et que les autres nous rejoindront demain, souffla le politicien, au plus tard après-demain.
    — Le pays est bien grand, de nombreux délégués occupent des emplois. Moi-même, ma présence me coûte beaucoup, surtout dans cette conjoncture difficile. Nous ne pouvons pas tous être députés, railla Picard.
    Lapointe choisit d’ignorer l’ironie, pour répondre d’un ton amusé :

    — Vous avez bien raison, quatre délégués viennent d’aussi loin que le Yukon. Se présenter ici n’est pas si simple.
    Quand un homme aux cheveux gris monta sur la scène, Edouard consulta sa montre: neuf heures quinze.
    — Même si notre assemblée ne se trouve pas au complet, nous débuterons tout de même nos travaux dans quinze minutes, déclara Charles Murphy.
    Le député débita la même phrase en français. Les délégations du Québec et de

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