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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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nous en occuper le mieux possible.
    — Je ne connais pas ta mère, mais ton père paraît très gentil.
    — Et en plus, il compte parmi les hommes prêts à accepter des collègues de sexe féminin. Il tient sans doute ce curieux travers au fait d’avoir eu une fille pour seule enfant.
    — Cela en fait certainement une personne adorable.
    L’étudiante prononça ces mots en riant.
    — Et toi, comment te sens-tu ? ajouta-t-elle en retrouvant son sérieux.

    Elise avait peu souvent l’occasion de répondre { cette question avec franchise. A ses parents, sa réponse demeurait toujours la même : «Je suis si chanceuse de vous avoir. Tout va bien grâce à vous.» Elle choisit de croire que sa compagne avait trente ans, et non dix-neuf.
    -Je suis souvent désemparée. Bien sûr, je ne manque de rien. Je passe mes journées à remplir le rôle de réceptionniste pour papa, je fais même toute sa comptabilité. Je vis dans une belle grande maison, je mange bien. Parfois, papa vient avec moi chez ta mère pour m’acheter une robe.
    Elle leva les mains, regarda sa tenue. Bien sûr, condamnée il porter le deuil jusqu’en novembre, la jeune femme ne profitait pas encore en public de ce genre de libéralités.
    — Je me retrouve veuve, avec deux jeunes enfants. .
    Le rose lui monta aux joues quand elle ajouta :
    — Je suis un peu seule. . si tu comprends ce que je veux dire.
    Thalie répondit d’un sourire modeste, convenant { une jeune femme innocente.
    — Je peux comprendre. Cela est d’autant plus facile pour moi que j’ai connu le docteur Hamelin.
    A cette évocation, Elise prit l’un de ses gants abandonnés sur la couverture, s’en servit comme d’un mouchoir pour essuyer le dessous de ses yeux.
    — Je risque de passer ma vie toute seule. Papa va devoir travailler pendant vingt ans encore pour me soutenir.
    Ensuite, je leur servirai de bâton de vieillesse.
    — Ça, personne ne le sait. Tu vois, ma mère nous a annoncé récemment qu’elle se remariait.
    — Son député s’est enfin décidé ?
    — . . Tu connais l’existence de son prétendant?
    La jeune fille paraissait surprise, au point de faire rire sa compagne.

    — Dans une petite ville comme Québec, tout se sait.
    Remarque, ces deux-l{ n’ont pas fait d’effort particulier pour se dissimuler. Ta mère loge la fille de son amoureux depuis deux ans.
    Elle s’arrêta le temps de vider sa limonade.
    — Alors, il s’est décidé ? répéta-t-elle.
    — Oh! S’il n’en tenait qu’{ lui, j’aurais un beau-père depuis des mois et des mois.
    — Ta mère ne voulait pas ? Pourquoi donc ?
    Le ton demeurait marqué par une grande incrédulité.
    — Pour conserver sa liberté, ne voir personne interférer dans ses relations avec mon frère et moi.
    — Bien sûr, son commerce lui procure une totale autonomie.
    Elle peut se le permettre.
    Une nouvelle fois, l’envie marquait la voix de la jeune femme.
    — Je suis heureuse pour elle, continua-t-elle, songeuse. Dans mon cas, je ne pourrai jamais remplacer Charles.
    De nouveau, un gant servit de mouchoir improvisé.
    — Bien sûr, consentit Thalie. Il est parti il y a si peu de temps.
    — Je ne pense pas que les années y changeront quoi que ce soit.
    L’étudiante allongea la main pour prendre celle de sa compagne, chercha ses yeux avant de dire :
    — Maman n’a pas remplacé papa, et personne ne remplacera ton époux. Je sais combien il était exceptionnel.
    Elle répétait exactement les mots de son père. Cela troubla un peu sa compagne. Elle continua sur le même registre :

    -Toutefois, elle demeure bien vivante, tout comme toi. Et des hommes très bien peuplent encore notre monde.
    Après avoir couru tout leur saoul sur la plaine herbeuse, les enfants
    venaient
    vers
    les
    deux
    femmes.
    Mieux
    valait revenir à des sujets anodins. Une heure plus tard, ils reposaient, endormis l’un contre l’autre { l’ombre du grand arbre.
    Thalie se redressa en reconnaissant une silhouette familière.
    — Voilà un parent, remarqua-t-elle avec humeur.
    Edouard marchait d’un pas lent dans une allée, son fils dans les bras. Sa femme le tenait au pli du coude.
    La politesse exigeait que les femmes se lèvent, que les promeneurs s’arrêtent le temps d’échanger quelques mots.
    — Je m’excuse de ne pas vous tendre la main, commença le marchand.
    Des yeux, il désigna son fils.
    — Nous ne vous en tiendrons pas rigueur, le rassura Thalie d’un ton moqueur.
    — . . Evelyne, je te

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