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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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médecin, pour elle et pour vous.
    Mais il s’était approché du bureau et poussait vers Sarah le dossier.
    — Vous devez signer là, disait-il.
    La nuit, Sarah obtint de coucher à l’hôpital avec Nathalia dans une chambre individuelle.
    Elle avait menacé.
    « … Si vous refusez, je pars avec elle, je trouverai en ville. » L’infirmière haussait les épaules.
    « … Il n’y a plus de ville, Madame, les Américains et les Anglais ont tout rasé. »
    C’était une Allemande d’une trentaine d’années au corps maigre, la blouse blanche serrée à la taille, un brassard noir de deuil à son bras gauche. Sarah Berelovitz avait eu un mouvement de colère, des épaules et de la tête, mais au moment où elle allait répondre, Nathalia s’était mise à pleurer pour la première fois, et Sarah, tout en caressant le dos de la petite fille, disait simplement :
    « … Il me faut une chambre ici pour Nathalia et moi. »
    Elle y avait séjourné quelques jours, dormant à peine deux ou trois heures chaque nuit, tenant le poignet de Nathalia afin de la rassurer, que leurs corps s’habituent l’un à l’autre, deviennent l’un à l’autre indispensables.
    La première nuit, Nathalia s’était recroquevillée, les poings à nouveaux fermés devant la bouche, la poitrine secouée pendant son sommeil de spasmes qui la mettaient en sueur. Agenouillée près du lit, Sarah lui parlait, lui essuyait le front, « dors ma chérie, dors ».
    Elle retrouvait pour Nathalia des chansons que sa mère lui avait chantées dans sa chambre, à Varsovie, quand elle était enfant. Elle les chuchotait et la respiration de Nathalia devenait régulière.
    Sarah avait téléphoné à Serge, dès le premier soir. Elle avait dû attendre plusieurs heures la liaison avec le Mas Cordelier où Serge achevait sa convalescence après son retour de déportation. Sarah percevait l’enthousiasme de Serge.
    « … Quand revenez-vous ? demandait-il. Je veux la voir. Elle habitera ici, je vais lui faire préparer une chambre, quelle couleur pour elle ? »
    Il riait, il parlait vite, mais ces interruptions tout à coup, la disparition de la voix qui revenait après quelques secondes plus aiguë, Sarah savait qu’elles n’étaient pas dues à la distance ou aux parasites. La fatigue, l’épuisement de Serge ne s’effaçaient pas.
    Il n’était rentré en France que longtemps après Sarah. Libéré et soigné par les Russes, il avait été rapatrié au mois de septembre 1945. Sarah l’avait attendu quai de Béthune imaginant qu’il allait apparaître, vieilli sans doute mais plein d’allant comme autrefois. Le téléphone sonnait. Il avait été hospitalisé au Val-de-Grâce. Elle s’y rendait aussitôt, folle de colère parce qu’on la retenait à l’entrée pour des contrôles, qu’on ne la guidait pas dans les couloirs, qu’elle était obligée de traverser les vastes salles où somnolaient les blessés dans une odeur de sueur et de désinfectant.
    « … La chambre 11 ? » demandait-elle à tous ceux qu’elle croisait dans les corridors.
    L’un d’eux enfin, un homme grand, dont le regard frappa Sarah dès qu’elle l’affronta, des yeux très clairs, sans un voile de douceur ou de tendresse, l’interrogeait :
    — Qui cherchez-vous ?
    Il s’était immobilisé devant Sarah comme pour l’empêcher d’avancer.
    — Serge Cordelier, disait-elle avec vivacité, indiquez-moi donc où est la chambre 11 si vous le savez.
    — Vous êtes Sarah Berelovitz, n’est-ce pas ?
    Il lui prenait le bras, marchait lentement avec elle. « … Letel, disait-il, j’étais à Londres avec Cordelier, il m’a souvent parlé de vous. »
    « … Où est-il ? »
    Il ne répondait pas, marchait plus lentement encore.
    « … Nous avons tous craint qu’ils ne l’aient tué. – Il s’arrêtait. – Qu’il s’en soit sorti, c’est miraculeux. – Il la prenait aux épaules. – Vous devez d’abord vous dire cela. »
    Il lui montrait la porte d’une chambre.
    « … Ne restez pas trop longtemps. – Il faisait quelques pas, revenait. – Il faudra que nous nous voyions, ce sera nécessaire. »
    La pénombre, volets tirés, rideau de toile jaunie baissé, les mains de Serge posées à plat, sur le revers lisse du drap, les doigts, ces phalanges enveloppées de bandages. Oser aller des doigts vers le visage, le cou qu’elle ne reconnaissait pas. Elle se souvenait de sa vigueur, de la peau brune,

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