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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Paris avant de repartir pour le Mas Cordelier. Comme elle s’engageait sous le porche, quai de Béthune, portant Nathalia, la concierge l’appela, lui remit une lettre, quelques lignes de Letel :
    Si vous n’avez encore rien dit à Cordelier, inutile de le faire, Charles Weber s’est suicidé dans sa cellule.
    Sarah froissa la lettre, murmura à Nathalia :
    « … Tu verras, les arbres, le soleil, et Serge, tu seras comme une reine. »
    Elle était sûre, à la pression du front de Nathalia sur son cou, que l’enfant devinait.
    Serge les avait attendues sur le quai de la gare de Nice dans l’un de ces matins de janvier bleus de froid quand le ciel est lustré par le vent d’est.
    Il avançait lentement vers elles les bras tendus sur ses cannes, la tête levée, dans une attitude de défi, les épaules rejetées en arrière, les cheveux gris. Sarah allant à sa rencontre découvrait à quel point il avait blanchi, peut-être le remarquait-elle à cause du visage hâlé de Serge. Nathalia était réveillée, silencieuse, mais Sarah la sentait craintive dans ses bras. « Serge, il t’aime », répétait-elle à voix basse à Nathalia qui avait posé sa tête contre la poitrine de Sarah et ne voulait pas voir.
    — Toute petite, elle est si menue, disait Serge.
    Il riait, obligeait Sarah à se tourner pour qu’il puisse apercevoir le profil de Nathalia.
    — Si je disais qu’elle te ressemble, commençait-il.
    — Elle me ressemble, répondait Sarah.
    Déjà elle ne savait plus si elle plaisantait. Nathalia en quelques jours était à ce point devenue sienne qu’il lui semblait qu’elle l’avait portée toute une vie, n’osant la mettre au monde qu’après le temps des épreuves, quand – elle y avait pensé toute la nuit dans le wagon-lit, balancée par les cahots réguliers du voyage – sa mère morte, elle était seule avec sa vie, démunie mais libre. Enfin. Ce mot, Sarah osait à peine le formuler parce qu’il crevait brutalement le voile dont depuis l’enfance elle entourait ses relations avec sa mère. Amour-prison qu’elle craignait d’explorer. Elle aurait voulu rester couchée, morte, près de sa mère sur la route qui montait vers la forêt et pourtant, elle savait que d’être seule, enfin, la libérait. Honte de penser cela.
    Serge marchait près d’elles sur le quai, la voix presque retrouvée.
    « … Mietek m’a accompagné, disait-il. Il s’installe tout près de chez nous, il est fou de joie à l’idée de te voir. »
    Il était là, Mietek, devant la gare, le col de la chemise ouvert sur une poitrine brune, les manches retroussées, faisant quand il les apercevait, un grand geste des deux bras. Remords pour Sarah. Si elle avait accepté de quitter la France avec lui, sa mère serait encore vivante. Mais l’avait-elle voulu ? Nathalia bougeait.
    « … Tu es avec moi, avec Serge », murmurait Sarah et cette phrase, l’attention que Nathalia exigeait d’elle, chassaient au loin, comme un grand coup de vent le fait de l’orage, le remords de Sarah.
    — Lehaim, Lehaim, disait Mietek.
    Il enfermait Sarah et Nathalia dans ses bras, il les soulevait toutes les deux :
    « … Donne-la-moi », disait-il à Sarah.
    Elle lui confiait Nathalia qui acceptait sans pleurs. Sarah pouvait alors embrasser Serge, marcher entre lui et Mietek tenant la main de Nathalia.
    — Tu sembles très bien, disait-elle à Serge.
    — Nous allons vivre comme des dieux, répétait Mietek.
    À moins d’un kilomètre du Mas Cordelier, il avait acheté une grande propriété que limitaient au nord la falaise et au sud une double rangée de cyprès centenaires. Il avait transformé le dernier étage de la bastide qui se trouvait adossée à la falaise – dans la même situation que le Mas Cordelier – en un vaste atelier qu’il faisait visiter à Sarah.
    — Dix pièces, il y avait dix pièces ici – il balayait l’espace de la main – j’ai fait tomber les cloisons, ouvert, ouvert.
    Il s’approchait des fenêtres, montrait au-delà de l’éperon sur lequel était serré le village de Cabris, les collines, l’échancrure de la baie, les îles.
    — Je ne bouge plus, disait-il, travaille jour et nuit pour mes dernières vingt années de vie.
    Il riait, embrassait Nathalia que Sarah portait, aimant cette fatigue qu’elle ressentait dans les reins et les épaules.
    — J’ai décidé de mourir à quatre-vingt-dix ans, ajoutait Mietek.
    Tout à coup, il cessait de

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