Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
écouter Catherine, la regardait plutôt. Ce qu’elle disait avait-il de l’importance ? Elle avait l’énergie, l’enthousiasme, l’aveuglement qui lui avaient manqué. Souvent elle lui montrait des photos d’Emmanuelle, visage joufflu, veste blanche épaisse, bonnet tricoté enfoncé jusqu’aux sourcils.
    « … Tu veux la voir ? » demandait Catherine.
    Il souriait, aspirait une longue bouffée pour se donner le temps de ne pas répondre, laisser à Catherine le soin d’interpréter comme elle voulait son silence.
    « … Non, ça ne vous intéresse pas, je sais bien », disait-elle.
    Il reprenait la photo au moment où Catherine s’apprêtait à la ranger. Il regardait une nouvelle fois cet autre couple, le plus profond, une femme, un enfant. Catherine souriante, derrière elle le bassin, les arbres qu’il reconnaissait, ceux du jardin du Luxembourg et sur ses épaules, Emmanuelle mains ouvertes. Il ne trouvait qu’à dire, si bêtement « elle vous ressemble », alors qu’il voulait parler de Jorge et de Tina. Il eût pu se lever, traverser la salle bruyante de « La Coupole », demander un jeton de téléphone, former trois lettres puis quatre chiffres et la voix de Tina proche.
    Elle vivait à Paris avec Jorge, Richard Bowler restant en Europe comme correspondant permanent de Life. Elle avait téléphoné à Gallway le jour même de son arrivée et il avait cru quelques secondes au regain en lui de la joie. Ils déjeunaient ensemble le lendemain. Tina très belle, les cheveux coupés court, les yeux d’une vive douceur, mais déjà l’élan de Gallway s’était effrité ; la certitude d’être incapable de changer sa vie, de dire comme il l’avait si souvent rêvé “ne rentre pas, installez-vous toi et Jorge, chez moi” le rendait morose.
    « … Comment va Jorge ? » demandait-il.
    Tina venait avec lui le lendemain, Jorge s’asseyait sur les marches de l’escalier dans l’atelier. Il avait un visage de poupon boudeur.
    « … Gâté, disait Tina, Richard le comble. »
    Gallway paralysé, incapable de parler, d’aller vers Jorge, de lui mettre la main sur la nuque. Il restait derrière son bureau.
    « … Nous vous dérangeons, reprenait Tina, vous voulez travailler, n’est-ce pas ? »
    Qui comprendrait qu’il écrivait parce qu’il ne pouvait dire en un seul cri tout ce qu’il ressentait, les mots toujours fuyants, les phrases, partielles, l’émotion, la pensée, émiettées, la voix, les autres avec leur présence qui rongeait l’espace et le rendait vivant, comme un brouillage de ce que Gallway voulait leur dire. Écrire alors parce qu’il était seul et voulait être tout avec tous.
    — Vous jouez au loup solitaire, disait Sarah Berelovitz quand Gallway lui avait raconté en quelques phrases, comment malgré Tina, Jorge, Catherine, il demeurait seul. Serge revenait avec des verres, des bouteilles.
    — Confession terminée ? demandait-il en riant.
    Allen, les bras levés au-dessus de la tête, s’étirait.
    — Sarah me fait parler, disait-il. Elle adore les commérages. Mais elle refuse de croire que l’écrivain est par vocation un solitaire. Elle ne veut pas me désespérer. Elle est la seule femme qui me veut du bien. Mais voilà, elle est à vous, Serge.
    Comédie des bavardages, grimaces échangées. Le jeu, le truquage. Parler, était-ce toujours masquer la vérité ? Choisir de se taire alors, de monologuer ou d’écrire ? Et vivre avec la nostalgie de la rencontre avec l’autre.
    Allen n’écoutait plus, observant Nathalia qui, revenue jouer devant le mas, courant entre les chaises, essayait de rattraper un chat qui s’enfuyait. Elle riait, les cheveux dénoués, toute à sa course, s’arrêtant parfois devant Gallway, lui donnant une tape sur le genou, espiègle. Ce qui manquait à Gallway, la vie avec un enfant, cette obligation où il serait de se laisser prendre la main, d’échapper à son soliloque, à cette complaisance pour lui-même dont il sentait bien qu’elle était poussière de mort.
    Serge s’était assis près d’Allen.
    « … De plusieurs côtés, disait-il, les camarades de la Résistance, Letel que vous avez rencontré, Allen, et me dit-on, le général De Gaulle oui… »
    Serge parlait avec passion, se tournait de temps à autre vers Sarah qui avait pris Nathalia sur les genoux.
    « … Sarah n’aime pas ce projet, continuait Serge, mais si l’on veut éviter un retour à l’avant-guerre, il faut que

Weitere Kostenlose Bücher