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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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rire, croisait les bras, immobile devant la fenêtre.
    — Quel âge aura-t-elle dans vingt ans ? demandait-il en désignant Nathalia d’un mouvement de tête.
    — Vingt-deux, disait Sarah.
    — Et toi ?
    Il se tournait vers Sarah, la tête enfoncée dans les épaules, une expression de tristesse figeant et alourdissant son visage.
    Sarah refusait de répondre, elle posait Nathalia sur le sol :
    « … Marche », disait-elle.
    Nathalia trébuchait, s’agenouillait, commençait à avancer à quatre pattes, regardant Sarah et Mietek.
    — La vie est trop courte, dit Mietek rageusement.
    Il hésita, fit quelques pas dans l’escalier, se passa la main sur le visage comme s’il se débarbouillait.
    — Le clown efface son maquillage, ajouta-t-il.
    Puis il s’accroupit devant Nathalia, miaula, sautilla, jusqu’à ce que Nathalia se dresse, fasse un pas vers lui et tombe dans ses bras en souriant.
    Ce premier pas, le 27 février 1946, Sarah l’avait noté sur son agenda. Il y eut quelques mois plus tard le premier mot, enfin.
    Mois de juin, Allen Roy Gallway, les mains croisées derrière la nuque, installé sur la chaise longue sur l’aire devant le Mas Cordelier. Il était arrivé depuis trois jours, morose, le corps plus lourd, la démarche lente. Serge lui avait donné l’accolade, et ils étaient restés quelques secondes l’un contre l’autre, Sarah les surprenant ainsi, se précipitant :
    « … Allen, on ne savait plus rien de vous, pas une lettre. »
    Gallway s’éloignait de quelques pas, jaugeait Sarah et Serge :
    « … Vous êtes des jeunes gens », disait-il.
    Serge esquissait un pas de danse.
    « … J’ai jeté mes cannes, il y a deux mois, je suis refait à neuf. »
    Il s’approchait de Sarah, la prenait par le cou, l’embrassait avec tendresse :
    « … Sarah, la maternité l’épanouit, disait-il, elle donne son premier concert à la rentrée, une renaissance n’est-ce pas ? Nous sommes indestructibles. »
    Nathalia sortait de la maison, s’immobilisait quand elle apercevait Gallway. Elle ne portait qu’une culotte bleue.
    — Elle est noire comme une olive, disait Gallway.
    Il se baissa vers elle, lui tendit la main, mais Nathalia avec vivacité l’embrassa sur la joue puis s’enfuit en courant.
    — Toujours séducteur, dit Serge en s’éloignant.
    Sarah le regardait marcher rapidement et chaque pas qu’il faisait était pour elle un peu de bonheur. Elle se tourna vers Gallway et parce que l’émotion rend perspicace, l’amour généreux, elle découvrit la lassitude de Gallway.
    — Seul ? demanda-t-elle.
    Il écartait les mains pour affirmer de manière excessive et comique son dénuement.
    — Catherine Jaspars ? Vous ne l’avez pas revue ?
    — Je revois toujours tout le monde, répondait-il en riant.
    Allen avait déjeuné avec Catherine dans les jours qui avaient suivi son retour à Paris à l’automne 1944. Peu changée en apparence, la même vigueur paysanne, le visage différent suivant qu’on la regardait de profil – fin et régulier, imaginait-on – ou de face – lourd, rond – un appétit pour la vie qui inquiétait Gallway comme autrefois l’avaient troublé les audaces de Catherine la nuit. Il l’avait invitée au « Bouillon gras », un restaurant de Montparnasse où l’on servait des repas d’avant-guerre aux journalistes américains qui payaient en dollars. Avide, pressée de goûter à tous les plats, Catherine parlait la bouche pleine :
    « … Allen, vous ne savez pas ce que c’est que d’avoir faim. – Elle riait. – Que c’est bon de manger – et sa gaieté était contagieuse – je me suis mariée, disait-elle au détour d’une phrase, nous sommes séparés – elle riait à nouveau – déjà oui, j’ai une fille, jolie je crois, Emmanuelle, j’enseigne toujours, j’écris un peu, journaux, revues. Tu connais Sartre ? »
    Elle le vouvoyait, le tutoyait. Il lui servait à boire un vin sirupeux qu’elle humait d’abord les yeux fermés.
    « … Vous ne pouvez pas comprendre, disait-elle, la guerre m’a beaucoup appris. Je prenais le métro et je ne savais jamais si à la station suivante on n’allait pas nous faire descendre et nous embarquer comme otages. – Elle acceptait le cigarillo que Gallway lui offrait. – Tu sais, j’ai rompu avec mon père – elle grimaçait – quelques mois il a fait partie du gouvernement Pétain, il écrivait les discours du

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