Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
cigarette.
    « Leningrad », avait dit Serge. Un maillon de plus dans la chaîne : Machkine, le héros de Krivenko était de Leningrad.
    — Je voulais vous demander, commença Gallway, Clerkwood, ce nom, vous connaissiez, je crois…
    Julia Clerkwood avait attendu que le taxi de Gallway disparaisse au bout de Regent Street. Gallway l’avait déposée devant chez elle.
    — Merci pour cette soirée, disait-il. Je n’aimais pas Londres. J’ai changé d’avis – il riait – peut-être à bientôt, qui sait ? La vie, vous avez vu, un manège, on peut tout et rien prévoir, on ignore toujours le point où l’on se trouve, mais ça tourne, alors je dis à bientôt.
    D’une enjambée, il avait regagné le taxi, ouvert vivement la portière, répété : « À bientôt, si le destin le décide. »
    Julia avait mis longtemps à retrouver sa clé comme si elle n’avait pas voulu rentrer immédiatement dans sa maison – l’une de ces demeures blanches à un étage, qui donnent à certaines rues de Londres cet aspect de ville de province cossue et tranquille. Elle avait envie d’être encore, pour quelques minutes, seulement Julia Clerkwood. Une fois la porte franchie, elle aurait les malles à remplir. Il lui faudrait passer au collège avertir le directeur que Rafael quittait l’établissement à la fin du mois, « Mon mari, le colonel Ralph Scott, a été nommé attaché militaire à Tokyo… » légère inclinaison de tête du directeur : « Rafael, je crois, tirera de ce séjour là-bas un très grand profit, à treize ans, sa maturité… »
    Tout cela, ces bavardages anglais, cette indifférence attentive, Julia pouvait le prévoir comme elle imaginait déjà le salon de l’ambassade à Tokyo, l’ambassadeur Milton Atkins, qu’elle avait connu au temps où elle assistait aux réceptions que donnait l’ambassade américaine. À l’une d’elles, elle avait connu Ralph. Mariage, angoisse durant la bataille d’Angleterre, désespoir quand Ralph avait été abattu au-dessus de l’Allemagne, joie d’apprendre qu’il n’était que blessé, prisonnier, libéré enfin. Et la vie. Rafael auquel elle avait donné ce prénom, malgré l’opposition de Ralph, pour rappeler l’Amérique latine. Sa mère avait conseillé de céder à Ralph, Reginald Scott, cela sonnait bien disait Dolorès, mieux que Rafael Scott. Julia n’avait pas renoncé et quand elle avait décidé de faire baptiser Rafael dans la religion catholique, Dolorès l’avait serrée contre elle.
    Petites victoires dans la vie de Julia. Elle se prenait parfois à regretter la guerre, les bombes volantes au-dessus de Londres, les alertes et le plâtre qui blanchissait les cheveux, tombant des plafonds que faisaient trembler les explosions, les vitres éclatées et ce crissement du verre sous les pas, l’attente aussi de la paix, du retour de Ralph.
    Il était rentré. Rafael était né dix mois plus tard. Les dîners officiels, avec ces Messieurs gris du Foreign Office ou du War Office. Tout ce que Julia avait détesté dans la vie de ses parents, le protocole, les conversations debout, un verre à la main, recommençait, alourdi par la raideur orgueilleuse des Britanniques, le poids des siècles impériaux. Face à Ralph, Julia se sentait américaine, indienne. Elle voulait le heurter. Elle choisissait de poursuivre ses études de russe, commencées quand son père était en poste à Moscou.
    — Que comptez-vous faire de cela ? demandait Ralph.
    — Interprète, pourquoi pas ? Traductrice. Je ne voudrais pas, mon cher Ralph, que ma vie se limite à disposer les cartons devant les assiettes avant vos – elle insistait sur le mot – vos dîners.
    Il avait ce geste ridicule de lisser du bout des doigts sa moustache, la moustache comme un complément de son uniforme de la Royal Air Force. Doux Ralph, pourtant d’une intelligence méticuleuse, d’un vrai dévouement. Elle avait pu le mesurer quand Dolorès Clerkwood, malade…
    Elle avait raconté cela à Gallway au cours du dîner, dans le restaurant français proche de Piccadilly Circus où il l’avait invitée. Il lui avait téléphoné de Paris, de la part de Serge Cordelier.
    — Bien sûr, Serge, répondait Julia. Un ami de mon père. Ils se sont connus à Paris, revus ici, à Londres, pendant la guerre.
    — Précisément, reprenait Gallway, je suis écrivain, je m’intéresse aux coïncidences, je suis un vieil ami de Serge, Allen Roy Gallway.
    Julia

Weitere Kostenlose Bücher