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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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s’intéresse qu’à ça. » – n’étaient que dérobade.
    Serge servait le café, mangeait rapidement, se levait, boitillant toujours, rapportant le pain grillé qu’il faisait crisser sous ses dents. Il prenait souvent une expression bonhomme, sourire bienveillant, vivacité brusquement effacée, mais le regard démentait cette attitude. Gallway se taisait refusant d’un geste le pain que Cordelier lui offrait. Tout à coup Cordelier posa sa tasse.
    — Vous voulez me parler de Sarah, n’est-ce pas ? dit-il d’une voix sèche.
    Avant même qu’Allen ait pu répondre il reprenait.
    — C’est elle qui a choisi. Elle a refusé de revenir habiter Paris, ici. Elle a délibérément tourné le dos à la vie sociale. Un choix que je ne conteste pas, Gallway. Elle pouvait recommencer une carrière de concertiste. – Il se levait, les mains sur les reins comme s’il éprouvait une douleur et de fait il grimaçait. – Les impresarii ne demandaient que cela, je l’aurais soutenue, Malraux maintenant si elle le voulait, lui donnerait la direction d’une Maison de la Culture, passionnant vous ne trouvez pas ? Tout à faire, Malraux a raison quand il dit que ce sont les cathédrales du futur. Mais non, elle s’est renfermée – il se courbait comme pour dessiner l’attitude de Sarah – elle est hostile à mon engagement politique. Vous étiez là d’ailleurs, il y a dix ans, plus de dix ans, quand je me suis présenté pour la première fois aux élections, mais quoi, il fallait que je devienne un vendeur de villas pour retraités ? Voyons, Gallway, est-ce que je suis fait pour cela, est-ce que j’ai pris les risques que j’ai pris pour renoncer à une action publique ? Je crois à la nécessité de l’action des hommes et à leur rôle dans les événements, Sarah, non.
    — Elle y a cru, murmura Gallway, elle a pris de grands risques aussi.
    Serge avait un geste violent :
    — Mais qui le nie ! Elle est d’un courage exemplaire, elle l’a montré, Gallway, je le sais. Elle l’a été avant moi. J’étais aveugle, je tâtonnais. C’est vrai.
    — Il y a Nathalia, dit encore Gallway.
    Il ne savait plus très bien pourquoi il était venu. La fatigue de la nuit sans sommeil pesait sur lui plus vive au fur et à mesure que la fraîcheur de l’aube s’estompait.
    — Nathalia, Nathalia, un prétexte. Elle étouffe cette enfant, elle l’enferme. Il fallait que Nathalia entre au Conservatoire, ici, à Paris. Mais non, Sarah s’imagine qu’elle est le meilleur professeur possible.
    Cordelier s’accoudait à la fenêtre ouverte, attendait qu’une péniche dont le moteur toussotait se fût éloignée, reprenait sans se retourner vers Gallway.
    — Je la sens hostile, coupée du monde, elle voit Mietek, ce fou, souvent une ancienne déportée, Élisabeth Naldi, qui habite Vence une bonne partie de l’année, et dont le mari comme moi vit à Paris. J’ajoute – il faisait face à Gallway maintenant, appuyait chacune de ses phrases d’un mouvement de la main – qu’elle fait tout pour me gêner. Elle signe des manifestes contre l’action de l’armée en Algérie.
    Gallway se souvenait, le nom de Sarah Berelovitz au bas de l’une de ces pétitions contre la torture et la répression, Sarah Berelovitz, pianiste, déportée en Allemagne, matricule 35021 .
    — La torture, Serge, dit Gallway, c’est la torture qu’elle condamne.
    Serge Cordelier eut un brusque mouvement des épaules, il commença à marcher à grands pas dans la pièce.
    — La torture, pas un de ceux qui signent n’a été torturé comme je l’ai été. Croyez-vous que je resterais au Gouvernement si je pensais couvrir ou favoriser des tortionnaires ? C’est un scandale intellectuel de nous accuser. La torture, je l’ai subie, et je ne suis pas le seul parmi les gaullistes. Seulement, les choses ne sont pas simples, Gallway, vous au moins vous pourriez le comprendre, si nous voulons que la paix revienne…
    Il s’interrompit, vint s’asseoir en face de Gallway.
    — Je sais ce que Sarah a souffert en Allemagne. – Il parlait maintenant d’une voix basse. – Il y a un peu plus de trois ans, je me suis rendu en U.R.S.S , à Moscou, à Leningrad avec une délégation parlementaire. J’ai beaucoup pensé à Sarah là-bas, je me suis dit, nous allons nous retrouver, vivre à nouveau comme avant, je vais la convaincre, et puis…
    Serge eut un geste las, prit une

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