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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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avait seulement dit : L’Autre Côté de l’océan ?
    Gallway toussotait :
    « Il n’y a qu’un seul auteur qui ait trouvé un titre aussi bizarre, je suis cet auteur-là. »
    En entrant dans le restaurant elle l’avait reconnu. Il paraissait plus jeune que sur les photos qu’elle avait vues de lui au dos des couvertures ; les cheveux presque entièrement blancs pourtant, un air de fatigue aussi dans l’attitude, voûté, le coude sur la table, le menton dans la main, des lunettes à la pointe du nez qui lui servaient à lire ce carnet ouvert devant lui, et souvent, sans doute pour dévisager qui entrait, son regard passait au-dessus des lunettes. Julia le saisit, naïf. La voyait-il s’avancer, il semblait distrait tout en la fixant, les yeux étonnés quand elle s’adressait à lui, qu’il sursautait, se levait, grand, il parut très grand à Julia, peut-être aussi parce qu’il avait du mal à se tenir droit, repoussant la table, trébuchant, maladroit, lui proposant de s’asseoir en face de lui, disant qu’il était heureux qu’elle ait accepté de dîner mais qu’en somme, il ne savait plus que lui dire, il sentait qu’il avait besoin de rencontrer la personne qui s’appelait Clerkwood, qui avait traduit le livre de Marek Krivenko, parce qu’il y avait là des signes qui ne trompaient pas, qu’il lui expliquerait, mais que c’était difficile tout de suite, que pour qu’il puisse lui-même éclaircir ce réseau de liens entre des personnes que rien ne paraissait devoir rapprocher, il fallait un climat particulier. Il s’était interrompu. « Mais peut-être va-t-il naître entre nous, ce soir », avait-il ajouté en lui souriant, voix assurée tout à coup qu’il corrigeait d’une grimace marquant son incertitude.
    Entre eux cette confiance s’était établie et Julia avait parlé de la mort de sa mère.
    S’était-elle déjà confiée à quelqu’un ? Tout en racontant à Allen, Julia s’interrogeait. Elle n’avait rien dit ni à son frère Ronald, ni à son père, ni à Ralph. Pour elle seule cette mort, pour elle seule ces nuits passées dans la chambre de l’hôpital de La Paz.
    Une étrange histoire qui faisait trembler la raison, Julia en prenait conscience, en en déroulant les méandres pour Gallway.
    Elle vivait à Londres, c’était à la mi-décembre 1950, le 19 très précisément. Elle était chez elle, seule avec Rafael et la nurse. On avait sonné et la nurse avait annoncé qu’un prêtre chinois demandait à voir Madame Clerkwood. Julia l’avait fait entrer. Il était fluet, sans âge, le costume gris de clergyman qu’il portait était trop large pour lui. Il avait souri en apercevant Julia et Rafael qui jouait près d’elle. Il devait y avoir erreur, la personne qu’il voulait voir avait cinquante ans : « Dolorès Clerkwood. » « Ma mère », avait répondu Julia.
    — Je voudrais la rencontrer, répétait le Chinois, je suis le père Tieng.
    Les parents de Julia étaient rentrés aux États-Unis dès 1946. James Clerkwood avait passé deux ans au Département d’État à Washington, puis deux années à l’ ONU à New York. Il venait de prendre sa retraite.
    — Ma mère habite Boston, précisait Julia.
    Elle parlait lentement comme si le père Tieng avait eu du mal à comprendre alors que son anglais était à peine hésitant. Il acceptait enfin de s’asseoir, et les bras croisés il commençait à évoquer la Chine de l’hiver 1939-1940.
    J’étais alors l’assistant du père Bertolini. Les troupes japonaises ont occupé Shanghai et deux officiers sont venus questionner le Père. C’est du père Bertolini que je voulais parler à Madame Dolorès Clerkwood – il s’interrompait, regardait Rafael qui assis sur le sol, continuait d’assembler un jeu de construction – mais puisque vous êtes sa fille…
    Il avait expliqué comment le père Bertolini avait été arrêté, comment lui l’avait suivi.
    — Nous étions dans la campagne, disait-il, sans un abri, un espace fermé de fil de fer barbelé, de miradors. Il y avait là surtout des Européens que les Japonais avaient arrêtés dans toute la Chine. Nous n’étions pas maltraités, mais – il hochait la tête – le froid, il a plu beaucoup en Chine, je ne savais pas qu’il pleuvait tant dans mon pays. Je suis resté près du Père, un homme saint – un exemple pour tous.
    Il se taisait longuement. Julia demandait à la nurse de sortir avec Rafael.
    — Vous

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