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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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rencontré quelques mois après sa libération des camps. Il vivait à Leningrad chez la mère adoptive de Marek. Il ne connut qu’un hiver et un été de liberté puis il mourut. Pour Marek il fut la mémoire. Il rentrait en Sibérie, il recommençait à travailler au barrage. Le soir il chantait penché sur le berceau de Maria, sa femme Zoia le tenant par le cou. Le bonheur avec pour prix le silence. Et une nuit, ce besoin de commencer à écrire ce livre, dont il traçait le titre, MACHKINE , sur le cahier où habituellement entre deux calculs il notait quelques vers, et le récit se développait ainsi entre les équations et la poésie.
    Gallway relut la dernière phrase : quoi qu’il en coûte à moi et aux miens, il fallait que ce livre surgisse. Il faut qu’il soit lu. Il y a dans mon pays des millions de Machkine. Ce livre est une stèle élevée à leur mémoire.
    Le matin déjà. Gallway était ankylosé. Il avait les genoux douloureux. Il prenait froid facilement et il avait lu sans sentir la fraîcheur humide de l’aube. Il ferma les yeux, tira la couverture sur lui, repensa à la journée, Tina, Catherine, Serge aperçu, ce livre. Il ne pouvait pas dormir. Il se leva, se fit chauffer du café et installé dans la cuisine, le livre posé près du bol, il l’ouvrit à nouveau, et brusquement cette indication qu’il n’avait pas lue : traduit du russe par Julia Clerkwood-Scott. Clerkwood ? Ce nom il le connaissait. Il se souvint d’une soirée chez les Cordelier, quai de Béthune, avant la guerre, Gallway faisait effort pour situer la date, c’était à son retour d’Espagne, en 1937. Il se leva sans plus sentir ses douleurs, chercha dans sa bibliothèque l’un des cahiers cartonnés dans lequel il tenait irrégulièrement son journal. Il retrouvait le cahier, l’année 1937 et à la date du 13 novembre 1937. Une heure du matin, le récit de cette soirée, quand il avait découvert que Serge Cordelier était le neveu de Giulio Bertolini. Ce soir-là il avait reçu la lettre de Tina lui annonçant qu’elle était enceinte et qu’elle s’était mariée avec Bowler. Mais il y avait autre chose qui fermait la boucle, achevait la coïncidence, Cordelier avait parlé le même soir, il y a plus de vingt ans, de cette enfant que son oncle avait adoptée à La Paz, et que Cordelier avait rencontrée. Elle s’appelait Clerkwood. Comme la traductrice du livre de Marek Krivenko, enfant adoptif lui aussi, et hier soir c’est ce livre à la main que Gallway avait aperçu Cordelier. Gallway eut la sensation d’avoir enfin traversé la forêt, la vie, d’apercevoir au-delà des derniers arbres, la plaine ouverte. Il resta un long moment immobile, puis commença à reconstituer les maillons qui liaient entre eux les événements, les personnes. Certains devaient encore manquer. Voilà quel était le sujet du livre auquel il travaillait depuis près d’un an. Il fallait qu’il sache.
    Il était à peine 6 heures du matin. Cordelier habitait-il toujours quai de Béthune ? Gallway forma le numéro, laissa la sonnerie retentir. Il retrouvait une passion, l’une de ces obsessions qui donnent une âme aux journées. Enfin la voix de Serge Cordelier ensommeillée, son étonnement.
    « … Je peux prendre le petit déjeuner avec vous ? »
    « … Quand ? Aujourd’hui ? »
    « … Dans une heure, Serge. »
    Qu’est-ce qui avait pesé sur Serge pour qu’en quelques années il devienne autre ? La politique, le pouvoir ou simplement l’âge, ce travail du temps sur le corps et le caractère qui accuse certains traits, en efface d’autres. Qu’est-ce qui est vrai d’un homme ? Ce qu’il est à quarante ans ou à soixante ?
    Gallway assis en face de Serge Cordelier devant les fenêtres qui donnaient sur le quai de Béthune et la Seine, l’observait. Serge parlait paraissant avoir oublié que c’était Gallway qui lui avait téléphoné. Le visage ne s’était pas empâté, au contraire même il s’était affiné laissant apparaître l’ossature, le front plat, les pommettes. La calvitie l’allongeait. Les sourcils broussailleux et gris dissimulaient le regard que Gallway ne réussissait pas à saisir, qui l’effleurait, rapide, interrogeant sous le bavardage comme si ces mots jetés par Serge, sur le climat social du printemps, le résultat des élections, le problème algérien, l’attitude des Américains – « Le pétrole, mon cher Gallway, votre gouvernement ne

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